Ensevelie sous un raz-de-marée de sanctions sans précédent, l’économie russe semble tenir le coup. L’activité économique se maintient et la valeur du rouble par rapport au dollar américain et à l’euro est plus élevée qu’avant l’invasion de l’Ukraine. La Russie a-t-elle gagné la guerre économique ?

La résilience de l’économie russe ne signifie pas que les sanctions sont inefficaces, croit Martin Carrier, chargé de cours au département de sciences politiques de l’Université de Montréal et spécialiste de la Russie.

« Il y a des choses qu’on ne voit pas, dit-il. L’impact des sanctions doit être envisagé sur un horizon de moyen et long terme. »

  • De nombreuses enseignes occidentales ont fermé leurs portes en Russie depuis l’invasion de l’Ukraine.

    PHOTO DMITRI LOVETSKY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

    De nombreuses enseignes occidentales ont fermé leurs portes en Russie depuis l’invasion de l’Ukraine.

  • De nombreuses enseignes occidentales ont fermé leurs portes en Russie depuis l’invasion de l’Ukraine.

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    De nombreuses enseignes occidentales ont fermé leurs portes en Russie depuis l’invasion de l’Ukraine.

  • Ici, un centre commercial de Saint-Pétersbourg, le 1er juin dernier

    PHOTO DMITRI LOVETSKY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

    Ici, un centre commercial de Saint-Pétersbourg, le 1er juin dernier

  • Peu de visiteurs arpentent le centre GUM, près du Kremlin, où les boutiques occidentales fermées sont nombreuses.

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    Peu de visiteurs arpentent le centre GUM, près du Kremlin, où les boutiques occidentales fermées sont nombreuses.

  • Piétons devant un centre commercial de Moscou, en mai dernier

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    Piétons devant un centre commercial de Moscou, en mai dernier

  • Des Moscovites au centre de la capitale russe marchent devant un magasin de souvenirs vendant des chandails arborant le président Poutine cajolant un chiot, en mai dernier.

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    Des Moscovites au centre de la capitale russe marchent devant un magasin de souvenirs vendant des chandails arborant le président Poutine cajolant un chiot, en mai dernier.

  • Gens se prélassant dans un café à Saint-Pétersbourg, mardi dernier

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    Gens se prélassant dans un café à Saint-Pétersbourg, mardi dernier

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Pour le moment, convient le professeur, la Russie a réussi à limiter l’effet des sanctions sur sa population.

L’économie fonctionne relativement bien, les citoyens n’ont peut-être plus accès à McDonald’s et à IKEA, mais ils ont d’autres options. Il y a eu un mouvement de panique au début, un peu comme ici au début de la pandémie, mais ça s’est stabilisé. Il n’y a pas de colère dans la population.

Martin Carrier, chargé de cours à l’Université de Montréal et spécialiste de la Russie

Des milliers de Russes ont perdu leur emploi en raison du départ des entreprises étrangères, ce qui, à long terme, pourrait être plus compliqué à gérer pour le gouvernement russe, estime Martin Carrier.

Les pays qui ont réagi à l’invasion de l’Ukraine en multipliant les sanctions pensaient pouvoir mettre l’économie russe K.-O. assez rapidement. Ça ne s’est pas produit. Même ce qui a été présenté comme « l’arme nucléaire », l’éviction de la Russie du système international de paiement SWIFT, n’a pas eu l’effet escompté.

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Complexe de raffinage du géant pétrolier russe Lukoil, à Volgograd

« L’expression était peut-être exagérée, explique Martin Carrier. Et le gouvernement russe était préparé. »

En fait, depuis les premières sanctions imposées à la Russie lors de l’invasion de la Crimée en 2014, les Russes ont augmenté leurs réserves de devises étrangères et mis sur pied leur propre système de paiement, MIR, qui permet de continuer les échanges avec les pays alliés.

  • Wagons transportant du pétrole à Omsk, en Russie, le 24 mai dernier

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    Wagons transportant du pétrole à Omsk, en Russie, le 24 mai dernier

  • Terminal pétrolier près de Vladivostok, dans l’extrême-est de la Russie

    PHOTO YURI MALTSEV, ARCHIVES REUTERS

    Terminal pétrolier près de Vladivostok, dans l’extrême-est de la Russie

  • Cérémonie marquant, en 2015, le lancement des travaux de construction d’un oléoduc reliant la Russie à la Chine

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    Cérémonie marquant, en 2015, le lancement des travaux de construction d’un oléoduc reliant la Russie à la Chine

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Jusqu’à tout récemment, la Russie a respecté les échéances de paiement sur sa dette étrangère, même si les sanctions ont rendu inaccessible une partie de ses fonds en devises étrangères.

Des trous dans le mur

Le mur que les pays occidentaux ont construit à coups de sanctions pour isoler la Russie a de gros trous, le pétrole et le gaz, qui sont les principales sources de revenus du pays, explique Angelo Katsoras, analyste géopolitique à la Banque Nationale.

C’est ce qui explique que les sanctions n’ont pas eu l’effet escompté.

Angelo Katsoras, analyste géopolitique à la Banque Nationale

La Russie, troisième producteur mondial de pétrole, n’a aucun problème à vendre son produit ailleurs dans le monde, dans les pays qui n’imposent pas de sanctions. Le pétrole peut voyager par bateau autant que par pipeline, rappelle l’analyste.

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Manifestation à Bruxelles en faveur d’un embargo sur le pétrole et le gaz russes, le 30 mai dernier

Pour ce qui est du gaz naturel, les exportations russes ont baissé, mais le prix en forte hausse compense la baisse des volumes.

Les pays de l’Union européenne se sont entendus pour réduire de 90 % leurs importations de pétrole russe d’ici la fin de l’année. « Il faudra voir l’impact de ça plus tard cette année », dit-il, en soulignant que la Russie doit faire face à une inflation galopante et que la plupart des observateurs s’attendent à ce que l’économie russe plonge en récession dans les prochains mois.

Le Fonds monétaire international, entre autres, prévoit une contraction de 8,5 % du PIB russe en 2022.

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Le ministre des Affaires étrangères de la Russie, Sergueï Lavrov, rencontre son homologue de l’Arabie saoudite, le prince Faisal ben Farhan Al-Saud à Riyad, le 31 mai dernier.

Il ne reste plus beaucoup de munitions en réserve pour les alliés de l’Ukraine, à part couper l’Europe du gaz naturel russe, estime Angelo Katsoras.

Ce n’est pas une solution à court terme, selon lui. « Les infrastructures nécessaires pour changer le flux est-ouest du commerce du gaz prendront des années à construire », précise-t-il.

Ce qui reste à faire est le plus ardu, convient aussi Martin Carrier. « Pour des gouvernements démocratiques, c’est difficile de prendre des décisions qui ont une incidence majeure sur l’économie. »

La Russie fournit à l’Europe 40 % du gaz naturel qu’elle consomme. Cette dépendance se réduit à mesure que les pays trouvent d’autres fournisseurs, mais le gaz russe reste vital pour plusieurs économies de la zone euro, dont celle de l’Allemagne, poids lourd européen.

Selon la banque centrale allemande, l’économie du pays plongerait de 5 % si elle devait se passer du gaz russe.

Une économie résiliente

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Le rouble a non seulement maintenu sa valeur, mais il s’est renforcé en raison des mesures sévères de contrôle des changes imposées par l’État russe.

L’économie russe résiste encore assez bien à l’assaut des sanctions, si on en croit les chiffres officiels du gouvernement. Selon l’Institut de statistiques Rosstat, le produit intérieur brut du pays est en hausse de 3,5 % au premier trimestre. L’inflation est en hausse, à 10 %, mais la solidité du rouble compense en partie l’augmentation des prix. Le rouble a non seulement maintenu sa valeur, mais il s’est renforcé en raison des mesures sévères de contrôle des changes imposées aux particuliers, aux entreprises et aux partenaires commerciaux qui font toujours affaire avec la Russie, qui sont forcés de payer en roubles.

Hausse des revenus d’exportation

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L’Allemagne continue de dépendre des importations de gaz russe, notamment pour alimenter son industrie sidérurgique.

Les revenus que tire la Russie de ses exportations de pétrole et de gaz sont en hausse, malgré une baisse des volumes de vente de 27 % depuis le début de l’année. Les prix élevés du pétrole, par exemple, font plus que compenser la baisse des ventes sur le marché européen. L’Inde, la Chine et plusieurs autres pays d’Asie ont augmenté leurs achats de pétrole russe, et l’Europe continuera d’en acheter pour 300 millions de dollars par jour jusqu’à la fin de l’année.

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    C’est le nombre de sanctions en vigueur contre la Russie depuis l’invasion de la Crimée en 2014. La moitié ont été imposées depuis l’invasion de l’Ukraine.
    Source : Correctiv..org