(Bruxelles) Embargo progressif sur la majeure partie du pétrole, nouvelles mesures financières et contre des personnalités : l’UE a donné vendredi le coup d’envoi de son 6e paquet de sanctions contre la Russie afin de tarir le financement de la guerre contre l’Ukraine, après des négociations ardues.

En visant une importante source de revenus de Moscou, ces sanctions publiées vendredi au journal officiel de l’UE, sont les plus dures depuis le début de l’offensive russe à être décidées par les Vingt-Sept, qui ont peiné à trouver un accord en raison du blocage de la Hongrie.

La liste noire des Européens est élargie à une soixantaine de personnalités russes dont l’ex-gymnaste Alina Kabaeva, visée en raison de son rôle à la tête d’un groupe de médias relayant « la propagande » du Kremlin. Des médias lui prêtent une relation avec le président Vladimir Poutine, ce que ce dernier a démenti.

Le chef de l’Église orthodoxe russe, le patriarche Kirill, que Bruxelles voulait sanctionner pour son soutien à la guerre, est en revanche épargné, en raison du refus du premier ministre hongrois Viktor Orban au nom de la défense de la « liberté religieuse ».

Les sanctions actent également l’exclusion de trois établissements financiers russes – dont la première banque du pays Sberbank (plus d’un tiers du marché) – du système Swift, messagerie sécurisée et rouage essentiel des transferts de fonds internationaux. Sept banques russes en étaient déjà exclues.

Dérogation

L’arrêt des importations par bateau de pétrole brut aura lieu dans les six mois et celui des produits pétroliers dans les huit mois. L’approvisionnement par l’oléoduc Droujba peut en revanche continuer « temporairement », mais sans date limite. Il alimente notamment trois pays sans accès à la mer, la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque.  

Une concession obtenue par Viktor Orban, dont le pays dépend pour 65 % de sa consommation du pétrole bon marché de Droujba, et qui exigeait des garanties pour sa sécurité énergétique.

L’embargo progressif touchera les deux tiers des achats européens. L’Allemagne et la Pologne ayant décidé de leur propre chef d’arrêter leurs livraisons via Droujba d’ici la fin de l’année, les importations russes seront touchées à plus de 90 %, selon les Européens.

En cas d’arrêt de Droujba, qui traverse l’Ukraine, une dérogation « temporaire » à l’embargo par voie maritime pour les pays touchés sera possible.

Pour renforcer l’efficacité de l’embargo, les navires-citernes transportant du pétrole russe vers les pays tiers ne pourront plus être financés ni assurés d’ici six mois par les opérateurs européens, afin d’entraver une réorientation des exportations de Moscou.  

La revente de produits pétroliers à partir du brut russe est également interdite dans les huit mois au sein de l’UE et vers les pays tiers.  

En raison du délai de l’arrêt des importations, la Russie en a d’ores et déjà minimisé la portée, estimant en revanche que les Européens seraient « les premiers à en souffrir ».

« Le risque est que l’embargo tende la situation sur les marchés pétroliers, fasse augmenter les prix et augmente les revenus de la Russie pendant plusieurs mois », a averti le centre de réflexion européen Bruegel.

En 2021, la facture des importations européennes de pétrole russe a représenté 80 milliards d’euros, quatre fois plus que les achats de gaz à la Russie.

« Atrocités »

Les Vingt-Sept ajoutent aussi à leur liste noire 65 personnes et 18 sociétés, privés d’entrée dans l’UE et dont les avoirs sont gelés.

Parmi eux, des militaires impliqués « dans les atrocités perpétrées » par l’armée russe dans les deux villes ukrainiennes dévastées de Boutcha et Marioupol, des hommes d’affaires, des proches d’oligarques et de personnalités liées au pouvoir russe. L’épouse, un fils et une fille du porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov sont visés.  

Cette liste en vigueur depuis l’annexion de la Crimée en 2014 sanctionnait déjà 1091 personnes et 80 entités.

La diffusion dans l’UE de trois chaînes de télévision russes, dont Russia 24 et Russia RTR, considérées comme des « outils de désinformation » au service de la propagande du Kremlin, est également suspendue.

Après les embargos sur le charbon et le pétrole, les Européens réfléchissent déjà à un septième paquet de sanctions pour isoler toujours plus la Russie, mais y inclure le gaz – dont les Européens sont encore très dépendants, et beaucoup plus difficile à remplacer que le pétrole – est impensable à l’heure actuelle.