(Davos) Pas de neige, mais de nombreux orages qui grondent : le forum de Davos, qui s’achevait jeudi, a multiplié les alertes sur l’accumulation des crises secouant actuellement la planète.

Des armes pour l’Ukraine

Invité d’honneur (en visioconférence) de la journée d’ouverture lundi, le président de l'Ukraine Volodymyr Zelensky, a réclamé des sanctions « maximum » contre la Russie, et notamment un embargo commercial total contre son voisin, pétrole et gaz compris. Trois mois après l’invasion russe et à l’heure où les bombardements s’intensifient sur le Donbass, l’Ukraine veut surtout des armes – et de préférence lourdes. Une revendication martelée partout à Davos cette semaine par sa très large délégation nationale. Zelensky a critiqué la réponse trop lente à son goût de la communauté internationale : « Si nous avions reçu 100 % de nos besoins en février, le résultat aurait été des dizaines de milliers de vies sauvées. » Son ministre des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, a même accusé l’OTAN de ne « strictement rien faire » contre l’invasion.

« Troisième Guerre mondiale »

C’est une tradition à Davos : lors d’un dîner en marge de la réunion, le milliardaire américain George Soros livre sa vision de l’état du monde et en égratigne les puissants. « L’invasion [de l’Ukraine par la Russie] a peut-être été le début de la Troisième Guerre mondiale et notre civilisation pourrait ne pas y survivre », a-t-il déclaré cette année. Outre « les deux dictateurs » russe et chinois, Vladimir Poutine et Xi Jiping, il a mis sur la sellette l’ex-chancelière allemande Angela Merkel, dont les « accords spéciaux » sont, selon lui, une des raisons de la dépendance « excessive » de l’Europe au gaz russe.

Nuages noirs sur l’économie mondiale

« L’horizon s’est obscurci » pour l’économie mondiale et « l’année sera dure », a prévenu Kristalina Georgieva, directrice du Fonds monétaire international. Retour en force de l’inflation, durcissement des positions des banquiers centraux, creusement des dettes publiques, ralentissement en Chine… Les signaux d’alarme se multiplient. Au point d’envisager une récession ? Dans les pays développés, ce n’est pas à l’horizon « pour l’instant, mais cela ne signifie pas qu’il n’en est pas question », a dit Mme Georgieva. Parallèlement, « nous verrons des récessions dans certains pays qui ne se sont pas remis de la crise de la COVID-19, sont très dépendants de la Russie ou de l’importation de biens alimentaires, et présentent déjà des fragilités », a-t-elle averti.

Le retour des émeutes de la faim ?

« On prend de la nourriture à ceux qui ont faim pour la donner à ceux qui meurent de faim » : pour David Beasley, chef du Programme alimentaire mondial, « aujourd’hui les conditions sont pires » qu’en 2007-2008, au moment des émeutes de la faim. « Que pensez-vous qu’il va se passer quand on prend une nation qui fait normalement pousser suffisamment de nourriture pour 400 millions de personnes, et qu’on la met à l’écart ? », a-t-il dit en référence au grenier à blé qu’est l’Ukraine pour le monde. Achim Steiner, chef du Programme des Nations unies pour le développement, parle de plus de 200 millions de personnes aux prises avec une faim aiguë dans le monde. Et « quand les gens ne sont plus capables de se nourrir eux-mêmes, les gouvernements plus capables de fournir de la nourriture, alors la politique se déplace rapidement dans la rue », prévient-il.

Le climat oublié

La guerre en Ukraine ne doit pas servir de « prétexte » pour relâcher les efforts en matière de transition énergétique, a plaidé mardi l’émissaire américain pour le climat, John Kerry. « Nous pouvons faire face à la crise ukrainienne ainsi qu’à la crise énergétique, tout en faisant face à la crise climatique », a-t-il ajouté. Face aux craintes sur l’approvisionnement en hydrocarbures russes et à la flambée des prix, « il y a un risque qu’à court terme, certains finissent par brûler plus de charbon », reconnaît aussi Paul Simpson. Le patron du Carbon Disclosure Project, organisation de référence pour la mesure des scores environnementaux des entreprises et des États, espère toutefois in fine une conversation sur le besoin de revoir notre approvisionnement énergétique, qui puisse « accélérer la transition » vers les énergies renouvelables.