Ottawa — La ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland, dévoilera ce jeudi son deuxième budget, et ce, dans un contexte économique marqué par une hausse de l’inflation, la guerre en Ukraine et un appel à la mobilisation pour contrer les changements climatiques. Si les revenus sont plus élevés que prévu, le gouvernement Trudeau utilisera une partie des recettes pour respecter les conditions de l’entente conclue avec le NPD. Voici un survol des mesures à surveiller dans le budget.

Dépenses militaires à la hausse

L’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février force le gouvernement Trudeau à revoir à la hausse les dépenses militaires du pays. Depuis des années, le Canada se fait reprocher de ne pas respecter le critère établi par l’OTAN de consacrer l’équivalent de 2 % de son PIB à la défense. À l’heure actuelle, le Canada dépense 1,39 % de son PIB à cette fin, soit environ 24 milliards de dollars. La ministre de la Défense, Anita Anand, a soumis trois scénarios à sa collègue des Finances, dont l’un permettant d’atteindre la cible de 2 % dès cette année. Cela se traduirait par une hausse annuelle de quelque 15 milliards du budget de la Défense nationale. Mme Freeland couperait la poire en deux pour le moment, soit une hausse immédiate de 8 milliards afin d’acheter de nouveaux équipements militaires, entre autres choses, selon le réseau CBC.

Changements climatiques

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Ottawa offre une subvention de 5000 $ pour l’achat d’un véhicule zéro émission.

Le gouvernement Trudeau a dévoilé la semaine dernière un plan visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 40 % d’ici 2030 sous les niveaux de 2005. Le coût du plan est évalué à 9,1 milliards. Certaines des mesures ont été détaillées, notamment un fonds de 2,2 milliards pour aider les provinces, les municipalités, les entreprises, les établissements d’enseignement et les organisations autochtones à financer « des actions climatiques ». Le plan comprend aussi une somme de 1,7 milliard pour réduire le coût d’achat des véhicules électriques. Les détails de cette mesure seront annoncés ce jeudi. Ottawa offre déjà une subvention de 5000 $ pour l’achat d’un véhicule zéro émission. Le gouvernement Trudeau mise sur l’électrification des transports pour réduire les émissions de GES.

Programme national de soins dentaires

Dans l’entente qu’il a conclue avec le Nouveau Parti démocratique (NPD) le mois dernier, le premier ministre Justin Trudeau s’est engagé à mettre en œuvre certaines mesures chères aux troupes de Jagmeet Singh. La création d’un programme national de soins dentaires pour les moins nantis fait partie de cette liste. Le NPD exige que l’on jette les bases de ce programme dès maintenant en offrant des soins dentaires aux enfants de moins de 12 ans. Par la suite, le programme devrait s’étendre aux moins de 18 ans, aux personnes âgées et aux personnes vivant avec un handicap en 2023, avant une mise en œuvre complète en 2025. Le programme serait réservé aux familles dont le revenu est inférieur à 90 000 $ par an, et les personnes dont le revenu annuel est inférieur à 70 000 $ ne paieraient pas de quote-part. À terme, ce programme devrait coûter 1,5 milliard de dollars par année. Le NPD exige aussi qu’Ottawa aille de l’avant avec un programme national d’assurance médicaments.

Logement social

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Un soutien financier sera offert aux villes qui veulent construire des logements sociaux plus rapidement.

La flambée des prix de l’immobilier aux quatre coins du pays est devenue un enjeu incontournable à Ottawa. La pression est forte pour que le gouvernement Trudeau propose de nouvelles mesures pour faciliter l’accès à la propriété. Selon le réseau CTV, le gouvernement Trudeau imposera un moratoire de deux ans sur l’achat de propriétés par des investisseurs étrangers et de nouvelles mesures totalisant 10 milliards sur cinq ans. Dans l’entente conclue avec le NPD, les libéraux se sont engagés à investir de nouvelles sommes dans l’Initiative pour la création rapide de logements, un programme qui offre un soutien financier aux villes qui veulent construire des logements sociaux plus rapidement. Ce programme était doté d’une enveloppe de 1,5 milliard l’an dernier. L’entente prévoit aussi qu’un supplément unique de 500 $ s’ajoute à l’Allocation canadienne d’aide au logement – une mesure qui pourrait toucher environ 300 000 Canadiens. À la Chambre des communes, mercredi, Justin Trudeau a promis que le budget contiendrait de nouvelles mesures pour le logement.

Transferts en santé

La demande des provinces n’est pas nouvelle. Elles réclament une hausse immédiate des transferts en santé de l’ordre de 26 milliards de dollars par année. Une telle hausse ferait en sorte qu’Ottawa acquitte environ 35 % de la facture liée aux soins de santé, contre 22 % aujourd’hui. Les provinces affirment que la pandémie a mis à rude épreuve le réseau à travers le pays. Mais la réponse du gouvernement Trudeau est demeurée la même: pas tout de suite. Justin Trudeau a promis à ses homologues provinciaux de négocier une hausse des transferts, mais seulement une fois que la pandémie serait terminée. Le mois dernier, le gouvernement fédéral a offert une somme de 2 milliards aux provinces pour les aider à reprendre les opérations chirurgicales reportées à cause de la pandémie. Durant la dernière campagne électorale, les libéraux ont promis de dépenser 6 milliards pour accélérer l’élimination des listes d’attente dans les réseaux de la santé, ainsi que 3 milliards pour embaucher 7500 médecins de famille et infirmières praticiennes.

Un déficit encore important et de nouvelles taxes

Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Trudeau n’a jamais déposé un budget équilibré. Il n’a jamais non plus proposé un plan de retour à l’équilibre budgétaire. Tout indique que les budgets des cinq prochaines années seront encore à l’encre rouge. Dans sa mise à jour économique et financière de décembre, la ministre Chrystia Freeland prévoyait que le déficit devrait atteindre 58,4 milliards en 2022-2023, puis passer à 43,9 milliards en 2023-2024 et à 29,1 milliards en 2024-2025. Rappelons qu’en 2020-2021, le gouvernement fédéral a enregistré un déficit record de 327,7 milliards à cause de la pandémie de COVID-19. Le manque à gagner devait être de 144,5 milliards durant le dernier exercice financier, qui a pris fin le 31 mars. Mais il pourrait être inférieur en raison de la bonne tenue de l’économie et de la hausse des prix des matières premières. La ministre pourrait aller de l’avant avec la promesse libérale d’imposer une surtaxe de 3 % sur les profits des banques et des compagnies d’assurance de plus d’un milliard par année.