Si le passé est garant de l’avenir, les voyageurs s’apprêtent à écoper de la flambée des prix du carburant pour avion, d’autant plus que bon nombre de compagnies aériennes n’ont encore rien fait pour atténuer l’impact de cette hausse de l’or noir.

À au moins trois reprises au cours de la dernière décennie, il y a eu une corrélation entre les prix du carburant pour avion et le tarif des billets, peut-on constater en analysant les données du site Index Mundi (prix du carburant) et de la société aérienne Cirium (tarifs des billets d’avion).

« On a vu cela à plusieurs reprises, relate l’expert en aviation et chargé de cours à l’Université McGill John Gradek, qui a également passé 18 ans chez Air Canada, où il a notamment été chef de la tarification. Le surplus est toujours déterminé par l’impact qu’une hausse de prix aura sur la demande. »

Par exemple, au cours des six premiers mois de 2015, le prix du carburant pour avion – principale dépense des compagnies aériennes – a augmenté d’environ 16 %. Au cours de cette période, le prix moyen d’un aller simple pour un vol international depuis le Canada a grimpé de 23 %, pour atteindre environ 405 $, selon Cirium.

Ce prix ne tient pas compte des taxes et des autres frais, comme les taxes et redevances, qui contribuent à faire grimper le prix d’un billet. Il s’agit également d’une moyenne. Les tarifs pourraient donc varier selon la destination.

Les cours du brut ont explosé dans la foulée des sanctions imposées à la Russie depuis le début de son attaque contre l’Ukraine. Le prix du baril de carburant pour avion a bondi de 27,5 % depuis février pour atteindre 141,70 $ US, selon l’Association du transport aérien international (IATA).

« Nous prévoyons que les prix des voyages seront élevés pour l’été en raison de la demande et d’une capacité plus limitée ainsi qu’une pression supplémentaire due à la hausse du prix du carburant », observe Paul Jacobs, directeur général et vice-président pour l’Amérique du Nord chez Kayak, dans un courriel.

Selon les informations fournies par le site de recherche de voyages, les prix des billets vers certaines destinations internationales – qui n’ont pas été précisées – ont déjà augmenté de 36 % par rapport à 2019.

Après deux années de pandémie, le goût de voyager risque d’être au rendez-vous chez la clientèle, ce qui pourrait inciter des transporteurs à leur refiler une bonne partie de l’augmentation des prix du brut, croit M. Gradek.

« Le marché peut supporter une hausse un peu plus importante, dit-il. Tout le monde veut voyager. Les compagnies aériennes le savent. »

Pour les compagnies aériennes, qui tentent de se relever de la crise sanitaire, la situation est loin d’être idéale. L’envolée des prix du brut, conjuguée à l’incertitude géopolitique en raison de la crise ukrainienne, pourrait refroidir les ardeurs des transporteurs à ajouter de la capacité.

Des stratégies différentes

Air Canada n’avait pas répondu, lundi, aux questions de La Presse. Chez Transat A.T., une surcharge de carburant est « quelque chose qui risque d’arriver », selon son porte-parole Christophe Hennebelle. Chez WestJet, il n’y a pas d’augmentations « pour l’instant ».

Pour atténuer la volatilité, certaines compagnies aériennes optent pour des stratégies de couverture. Celles-ci consistent à fixer le prix du carburant à un certain niveau par l’entremise de contrats à terme ou d’autres instruments financiers. Cela permet de réduire l’impact des soubresauts énergétiques.

Malgré l’incertitude des dernières semaines, Transat A.T. et WestJet n’ont toujours pas déployé cette stratégie, tout comme Air Canada en date du 31 décembre dernier.

« Je crois que les compagnies croisent les doigts en se disant que la hausse est temporaire, affirme M. Gradek. Mais avec la situation [en Ukraine] qui se détériore chaque jour, on n’entrevoit pas de répit. Les mentalités vont sûrement changer. »

D’après le site spécialisé SimpleFlying, American Airlines, Delta Air Lines et United Airlines – trois des principaux transporteurs américains – avaient aussi opté pour le statu quo. À l’inverse, Air France/KLM a couvert environ 65 % de ses dépenses de carburant pour le deuxième trimestre, selon Reuters. Ailleurs dans le monde, Lufthansa, Singapore Airlines et Cathay Pacific ont emboîté le pas.

Mais les stratégies de couverture sont une arme à double tranchant. Si les prix du brut se rééquilibrent rapidement, des compagnies peuvent se retrouver à payer une partie de leur carburant plus cher à cause de leur stratégie de couverture.

Chaque option comporte des avantages et des désavantages. Il n’en reste pas moins qu’une hausse marquée du prix de l’or noir provoque des augmentations de prix, stratégie de couverture ou pas.

En savoir plus
  • 5 %
    Les transporteurs avec des couvertures de carburant devront augmenter le prix de leurs billets d’environ 5 % pour conserver leurs marges, selon l’agence Moody’s.
    source : Moody's