(Washington) Sept mots simples tirés du discours sur l’état de l'union de Joe Biden font que certains Canadiens respirent un peu mieux mercredi matin.

Le président américain a renouvelé son appel à des crédits d’impôt pour réduire le coût des véhicules électriques, mais n’a fait aucune mention de préférence pour les voitures et les camions de fabrication américaine.

C’est encourageant pour certains dans le secteur automobile canadien, compte tenu de la présence de sentiment protectionniste dans d’autres parties du discours d’une heure, présenté mardi.

« Une façon de lutter contre l’inflation est de faire baisser les salaires et d’appauvrir les Américains. J’ai un meilleur plan pour lutter contre l’inflation – réduisez vos coûts, pas vos salaires », a déclaré le président américain, lançant un appel aux démocrates modérés qui craignent le risque de hausse des prix des dépenses du gouvernement.

« Fabriquez plus de voitures et de semi-conducteurs en Amérique. Plus d’infrastructures et d’innovation en Amérique. Plus de biens se déplaçant plus rapidement et moins chers en Amérique… Et au lieu de compter sur des chaînes d’approvisionnement étrangères, faisons-le en Amérique. »

Le langage politique a semblé céder la place au pragmatisme lorsque M. Biden a brièvement repris l’idée d’utiliser des crédits d’impôt pour amener les Américains à acheter plus de véhicules électriques. M. Biden avait initialement proposé une série d’incitatifs qui donnaient la priorité aux véhicules électriques assemblés aux États-Unis par des travailleurs syndiqués – un plan qui ferait mal aux constructeurs automobiles canadiens.

« Offrons des investissements et des crédits d’impôt pour (…) baisser le prix des véhicules électriques, vous permettant d’économiser 80 $ de plus par mois, car vous n’aurez plus jamais à payer à la pompe à essence. »

Les constructeurs automobiles étrangers, ainsi que le géant américain non syndiqué des véhicules électriques Tesla, ont critiqué sévèrement l’idée initiale de M. Biden, une composante d’un plan de 2000 milliards de dollars de dépenses sociales et de programmes climatiques sous le projet de loi « Build Back Better ».

Il en était de même pour les législateurs démocrates modérés comme le sénateur de Virginie-Occidentale, Joe Manchin, dont l’état est un secteur manufacturier majeur pour Toyota, et la sénatrice Kyrsten Sinema de l’Arizona, un état frontalier du sud avec de grandes ambitions dans le secteur des véhicules électriques.

Ottawa avait aussi pressé les États-Unis d’abandonner cette condition ou d’accorder une exemption pour les véhicules fabriqués au Canada.

Les discussions sur cette intention ont dominé l’ordre du jour du premier ministre Justin Trudeau en novembre dernier, lorsqu’il s’est assis avec M. Biden pour discuter des préoccupations du Canada lors d’une visite à la Maison-Blanche dans le cadre du Sommet des dirigeants nord-américains.

Le refus de M. Manchin d’appuyer le « Build Back Better » juste avant Noël, déclarant publiquement qu’il voterait contre de peur que cela n’exacerbe l’inflation déjà en flèche aux États-Unis, a mis en péril le projet de loi.

Les détracteurs des crédits d’impôt pour les véhicules électriques ont cependant refusé de déclarer victoire, sachant que la proposition était loin d’être morte. Beaucoup ont maintenu cette posture mercredi, reconnaissant la formulation de Joe Biden comme un pas dans la bonne direction, bien que petit.

Marche arrière possible ?

Les propos du dirigeant américain peuvent signaler des plans pour revoir la proposition originale, a affirmé le président de l’Association des fabricants de pièces automobiles, Flavio Volpe, qui a fait des allers-retours à Washington pendant des mois dans le cadre d’efforts continus de lobbyisme du Canada.

La révision potentielle du projet « sera-t-elle l’occasion pour le président Biden d’accéder aux demandes de Justin Trudeau d’inclure le Canada ? Voici sa chance », a déclaré M. Volpe.

Mais s’il y a une raison de croire à un changement de cap, a-t-il ajouté, c’est que la crise internationale déclenchée par l’invasion de l’Ukraine par le président russe Vladimir Poutine a contribué à faire comprendre aux États-Unis l’importance de travailler avec des partenaires internationaux.

« Je suis moins pessimiste, a soutenu M. Volpe, parce que les événements mondiaux plus difficiles montrent aux législateurs américains qu’ils ont de plus gros problèmes qui nécessiteront des approches d’investissement plus réfléchies avec des alliés géopolitiques. »

Le ministre de l’Innovation, François-Philippe Champagne, s’exprimant avant la réunion hebdomadaire du caucus de mercredi, a réagi au langage « Buy American » de M. Biden en adoptant un ton similaire – un signal, peut-être, de la gravité des défis mondiaux qui pourraient éclairer une nouvelle approche pragmatique des relations canado-américaines.

« Le Canada est un phare de stabilité, de prévisibilité et de primauté du droit, et je dirais que si vous regardez les événements mondiaux, il y a une pénurie et une forte demande », a fait valoir M. Champagne.

Il a ajouté que les responsables fédéraux travaillent fort depuis des mois pour rappeler aux États-Unis que le Canada est et demeure un allié de confiance et fiable, un message qui a une nouvelle résonance dans le contexte du paysage géopolitique actuel.

« C’est vraiment l’ambiance dans le monde maintenant, comment nous le faisons avec un partenaire de confiance », a affirmé le ministre Champagne.

« Oui, j’ai écouté le président. Mais d’un autre côté, je dirais à tous ceux qui regardent que le Canada doit certainement faire partie de l’équation, et je le dirais certainement à nos amis américains. »