Les marchés de la finance et des matières premières ont encore été très bousculés, lundi, au fur et à mesure que leurs intervenants tentaient de mesurer l’incidence des sanctions économiques majeures contre la Russie. En particulier celle de l’exclusion des grandes banques russes du système de paiement mondial Swift, rouage clé des échanges interbancaires dans l’économie mondiale.

Bourses sous fortes tensions

Aux États-Unis, la Bourse de New York a connu lundi une autre séance hautement volatile. Après avoir fortement reculé en journée, l’indice de marché S&P 500 a terminé en faible recul de 0,2 %, à 4373 points. L’indice Dow Jones, qui avait lui aussi ouvert en baisse, n’a finalement lâché que 0,5 %, à 33 892 points, en fin de séance.

Au Canada, l’indice S&P/TSX de la Bourse de Toronto s’est replié de 155 points en début de séance, repassant alors sous le seuil des 21 000 points. Il s’est repris ensuite pour terminer en hausse de 20 points, ou 0,1 %, à 21 126 points, propulsé une fois de plus par un gain de 2,5 % du secteur de l’énergie.

Plus tôt en journée, les marchés boursiers en Europe avaient encore terminé en baisse. Paris et Milan ont chacun perdu 1,39 %, Francfort a reculé de 0,73 %, et Londres, de 0,42 %.

« L’activité économique en Europe semble plus susceptible de subir les impacts d’un conflit prolongé en Ukraine et de sanctions économiques sévères en Russie. Et parce que les entreprises européennes sont plus exposées que les entreprises nord-américaines, ce conflit jette un nuage d’incertitude sur les prochains bénéfices des entreprises européennes », a indiqué Hugo Ste-Marie, directeur en stratégie de portefeuille et analyse quantitative chez Banque Scotia Marchés mondiaux à Montréal, dans un billet aux clients-investisseurs.

« De plus, la dépendance de l’Europe, et en particulier de l’Allemagne, vis-à-vis de l’énergie russe est également un problème. Une flambée soutenue des prix du pétrole et du gaz en Europe pourrait réduire le pouvoir d’achat des consommateurs et nuire aux marges bénéficiaires des entreprises. Enfin, l’exposition des banques européennes à l’Ukraine et à la Russie pourrait nuire à leurs prochains bénéfices avec le rehaussement soudain des provisions pour créances douteuses. »

Par ailleurs, le prix de l’or sur le marché au comptant (spot) a augmenté de 2,2 %, à 1930 $ US l’once, lundi, avant de se rétracter autour de 1899 $ US en fin de journée. Avec une progression d’environ 6 % en février, l’or a surclassé les autres valeurs refuges, notamment les bons du Trésor américain, le yen japonais et le franc suisse.

Le pétrole s’installe à 100 $ US le baril

Les prix du pétrole dans le monde ont terminé en nette hausse lundi après que les États-Unis, l’Union européenne et d’autres pays occidentaux eurent imposé davantage de sanctions économiques à la Russie, producteur clé de pétrole et de gaz naturel.

En particulier, l’exclusion des banques russes du système bancaire international Swift est considérée comme une mesure qui rend plus difficiles les transactions d’achat de pétrole russe par les pays importateurs.

Sur les marchés européens, le prix du pétrole Brent – référence mondiale du marché pétrolier – a grimpé de 3 %, pour terminer à 100,99 $ US le baril. Ce prix est à son plus haut depuis septembre 2014, affichant un gain de 10 % pour le seul mois de février.

D’ailleurs, les analystes du marché pétrolier chez la banque d’investissement Goldman Sachs ont rehaussé à 115 $ US le baril leur prévision de prix du pétrole Brent d’ici un mois. Ils arguent que le marché mondial du pétrole aura besoin de quatre millions de barils par jour pour compenser la perte éventuelle des exportations de pétrole russe.

En Amérique du Nord, le prix du pétrole brut West Texas Intermediate (WTI) sur le New York Mercantile Exchange a augmenté lundi de 4,5 %, pour s’établir à 95,72 $ US le baril.

Ce prix du WTI est le plus élevé depuis août 2014, en hausse de 8,6 % pour le mois de février, selon Dow Jones Market Data.

Pendant ce temps, selon le Wall Street Journal, les États-Unis et d’autres grands pays consommateurs de pétrole envisageaient d’utiliser quelque 70 millions de barils provenant de leurs réserves d’urgence afin d’atténuer la flambée des prix de brut.

Aussi, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et ses alliés, connus sous le nom d’OPEP+, se réuniront mercredi pour prendre une décision sur les niveaux de production de pétrole des prochains mois.

L’aluminium à plus de 3500 $ US la tonne

Alors que les marchés boursiers étaient encore bousculés, les marchés des matières premières étaient, eux, bien soutenus par des craintes de perturbations d’approvisionnement. À commencer par les prix des métaux industriels comme l’aluminium et le nickel, dont la Russie est l’un des principaux producteurs mondiaux.

Ainsi, le prix de l’aluminium sur le marché londonien des métaux de base (London Metal Exchange) a atteint lundi le sommet historique de 3525 $ US la tonne. En fin de séance, le prix de l’aluminium s’est replié autour des 3411 $ US la tonne, mais encore en hausse par rapport à vendredi dernier.

Du côté du nickel, le prix d’environ 25 705 $ US la tonne sur les marchés des métaux à Londres et à Chicago est demeuré proche de son niveau historique en 11 ans, qui avait été atteint vendredi dernier.

Par ailleurs, dans une très rare critique envers le régime de Vladimir Poutine au Kremlin, l’oligarque et milliardaire russe Oleg Deripaska, l’un des dirigeants-fondateurs du géant de l’aluminium Rusal, a réclamé lundi la fin du « capitalisme d’État » en Russie face à la crise financière provoquée par les sanctions occidentales, à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine. Dans des publications sur les réseaux sociaux, M. Deripaska a dit attendre de la part du gouvernement « des clarifications et des commentaires clairs sur la politique économique des trois prochains mois ».

Denrées alimentaires de base

L’invasion de l’Ukraine par la Russie et le blocage des opérations portuaires en mer Noire engendrent d’importantes perturbations sur les marchés des aliments de base comme le blé, alors que l’on s’inquiète de la continuité d’approvisionnement dans cette région devenue l’une des principales productrices céréalières du monde.

Lundi seulement, le prix du blé au Chicago Board of Trade (CBOT) a bondi de 8,7 %, à 934 $ US le boisseau, tandis que le maïs grimpait de 5 % et le soja, de 3,9 %. Le prix du blé au CBOT a bondi de 23 % en février, alors que les prix du maïs et du soja ont tous deux augmenté d’environ 10 %.

Selon des estimations rapportées par Bloomberg News, la Russie et l’Ukraine représentent plus du quart du commerce mondial du blé, près du cinquième du commerce du maïs et même jusqu’à 12 % de toutes les catégories alimentaires échangées dans le monde.

Les deux pays ont vu leurs récoltes et leurs exportations céréalières augmenter au cours de la dernière décennie, alors que leurs agriculteurs produisent généralement à des coûts inférieurs à ceux de fournisseurs plus traditionnels, comme le Canada et les États-Unis.

Par conséquent, rapporte Bloomberg News, si la Russie et l’Ukraine devaient quitter le marché mondial des céréales pendant une période prolongée, cela pourrait avoir un effet considérable sur les approvisionnements et les prix alimentaires.

Avec l’Agence France-Presse, Reuters, Bloomberg News, Marketwatch/Dow Jones