(Ottawa) Un groupe de gens d’affaires appelle le gouvernement Trudeau à la prudence afin d’éviter que le Canada ne sombre dans une spirale d’endettement au moment où l’inflation s’enracine au pays et que la période de taux d’intérêt historiquement bas semble terminée.

Dans une lettre de cinq pages adressée à la ministre des Finances, Chrystia Freeland, en prévision de son prochain budget, qui devrait être déposé au printemps, le Conseil canadien des affaires (CCA) plaide pour une meilleure discipline financière et des investissements ciblés pour stimuler l’innovation et la productivité. La Presse a obtenu cette lettre du CCA, qui représente les dirigeants de quelque 150 entreprises de tous les secteurs et de toutes les régions du pays.

Rappelant que la dette fédérale a doublé en deux ans à la suite de la pandémie de COVID-19 et que ce boulet financier est en voie d’atteindre les 2000 milliards de dollars d’ici 2025, le CCA estime que « la marge d’erreur est donc mince, voire inexistante ». D’autant que la population canadienne est vieillissante, que la productivité au pays demeure faible et que les taux d’investissements des entreprises sont « anémiques ».

À tout cela s’ajoutent des tensions commerciales et géopolitiques croissantes qui pourraient constituer un frein aux exportations canadiennes.

Dans sa missive, le CCA rappelle que le gouvernement Trudeau a prévu 140 milliards de dollars pour stimuler l’économie au cours des cinq prochaines années et que les libéraux ont aussi promis 78 milliards de dollars de dépenses supplémentaires durant la dernière campagne électorale.

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Goldy Hyder, PDG du Conseil canadien des affaires

À notre avis, ce niveau de dépenses est injustifié et, en fait, risque de faire plus de mal que de bien étant donné que la plupart des indicateurs économiques montrent une économie qui fonctionne déjà presque à pleine capacité.

Goldy Hyder, PDG du Conseil canadien des affaires

« Sur la base de la trajectoire actuelle, les dépenses de programmes en pourcentage du PIB dépasseront 15 % dans un avenir prévisible, un ratio jamais vu depuis la crise financière de 2008. On peut toujours espérer que des déficits importants seront compensés par une croissance plus élevée du PIB, mais c’est un risque considérable à prendre au nom des générations futures », ajoute-t-il.

Alors que le gouvernement Trudeau a engrangé des déficits année après année depuis son arrivée au pouvoir en 2015, le CCA croit qu’il faut instaurer de nouveau une discipline budgétaire. Ottawa devrait se donner comme objectif que le service de la dette future ne dépasse pas 10 % des recettes publiques annuelles, comme le suggérait l’ancien gouverneur de la Banque du Canada David Dodge.

Le CCA suggère aussi à la ministre Freeland d’entreprendre un « examen systématique et généralisé » des dépenses fédérales dans le but d’économiser de 1 à 2 % des dépenses de programmes annuellement durant un mandat. « Cela serait conforme à l’engagement du Parti libéral dans sa plateforme électorale de 2015 de s’assurer que les dépenses fédérales sont toujours “équitables, efficaces et responsables sur le plan financier pour les Canadiens”. »

Le CCA tient à souligner que le Canada a dans ses cartons des atouts indéniables qui doivent être utilisés à bon escient : une population très éduquée, un système d’immigration performant et des matières premières en abondance qui seront la pierre d’assise d’une économie à faibles émissions de carbone.

Mais le gouvernement Trudeau doit s’employer à créer un climat propice aux investissements en offrant aux entreprises un environnement réglementaire prévisible et une compétitivité fiscale accrue. Résultat : « ce n’est pas le moment d’augmenter les impôts qui découragent la création d’emplois et l’investissement », souligne Goldy Hyder dans sa lettre.

« Au lieu de cela, le gouvernement devrait signaler son engagement en faveur de la compétitivité fiscale en lançant un examen complet du système fiscal visant à simplifier le système d’imposition, à stimuler l’innovation et à réduire les obstacles réglementaires. »

Le CCA souligne aussi à grands traits qu’Ottawa doit s’attaquer au problème de la pénurie de main-d’œuvre en établissant « une voie accélérée vers la résidence permanente » aux travailleurs recrutés à l’étranger dans le cadre du Volet des talents mondiaux. Entre 2017 et 2020, seulement 11 % des titulaires d’un premier permis de travail ont demandé la résidence permanente. « C’est une occasion manquée d’attirer et de retenir une plus grande part des meilleurs esprits du monde. »