Le pétrole flambe, et le prix des métaux atteint des records. Ce qui pousse normalement le dollar canadien à la hausse ne semble pas avoir l’effet attendu. De quoi souffre donc la devise canadienne ?

« Le dollar canadien apparaît actuellement sous-évalué, à moins de 0,79 $ US », fait observer l’économiste de Desjardins Hendrix Vachon, qui estime que la devise canadienne devrait plutôt se situer quelque part entre 0,80 $ US et 0,85 $ US.

En y regardant de plus près, l’économiste constate que le prix du pétrole n’a plus autant d’influence qu’avant sur la valeur de la devise canadienne. Le pétrole canadien se vend plus cher, mais le secteur pétrolier n’attire plus autant d’investissements, dit-il.

Les grandes entreprises pétrolières sont plus prudentes dans leurs investissements, explique Hendrix Vachon lors d’un entretien avec La Presse. Elles ont encore moins d’appétit pour le pétrole bitumineux du Canada, qui coûte plus cher à produire et qui a mauvaise réputation, en plus d’avoir des problèmes de transport vers les marchés.

Le prix des métaux, notamment le fer et l’aluminium, est aussi en forte hausse, « ce qui justifierait un dollar plus fort qu’il ne l’est actuellement », étant donné que le Canada est producteur et exportateur de métaux, souligne Hendrix Vachon.

« Même si la valeur de nos exportations augmente, on ne voit pas non plus l’effet escompté sur le dollar », constate-t-il.

Selon lui, la faiblesse relative du dollar canadien peut s’expliquer par les anticipations de taux d’intérêt, qui sont plus fortes du côté des États-Unis qu’au Canada. « Une monnaie avec des taux d’intérêt plus élevés va habituellement être plus attrayante qu’une autre avec des taux plus faibles, ce qui avantage actuellement le dollar américain », précise-t-il.

Toutes proportions gardées, la Banque du Canada a injecté beaucoup plus d’argent dans l’économie que la Réserve fédérale américaine pour limiter les contrecoups économiques de la pandémie, fait également observer l’économiste.

« Cette offre supplémentaire de dollars canadiens pourrait expliquer un taux de change plus faible. »

Le dollar américain profite enfin de l’incertitude grandissante sur les marchés et des risques d’escalade du conflit entre la Russie et l’Ukraine. « Le dollar américain est une valeur refuge, ce que le dollar canadien n’est pas », note Hendrix Vachon.

Coussin contre l’inflation

Une devise faible est généralement un avantage pour un pays exportateur comme le Canada, parce qu’elle réduit le prix des produits exportés sur le marché international. Mais dans le contexte actuel de forte inflation, alors que la demande mondiale est très bonne pour les produits canadiens, l’économie du Canada bénéficierait davantage d’un dollar plus fort, croit l’économiste de Desjardins.

Une devise forte permet notamment de réduire le prix des biens importés et payés en devises étrangères, comme le pétrole. « Le taux de change agit comme un stabilisateur qui limite les pressions inflationnistes », précise Hendrix Vachon. Les économistes de Desjardins ont déjà calculé qu’une appréciation de 10 % du dollar réduisait l’inflation de 0,7 %.

L’autre avantage d’une appréciation du dollar, c’est qu’elle permet aux entreprises d’importer à moindre coût l’équipement et la technologie nécessaires pour augmenter leur productivité.

« Une devise plus forte pourrait faciliter l’investissement des entreprises qui doivent faire face à des pénuries de travailleurs et à une forte demande. »

L’indice Big Mac

Comparer le prix d’un Big Mac en monnaie locale dans le monde est un exercice sans prétention que fait The Economist chaque année depuis 1986, pour savoir si les devises sont correctement évaluées. Il indique que le dollar canadien serait sous-évalué de 8,4 % par rapport à la devise américaine.

Consultez l’indice Big Mac (en anglais)