Les constructeurs automobiles au Canada ont réduit leur production et se préparent pour de nouvelles perturbations alors que les blocus de camionneurs à la frontière américaine accentuent les problèmes d’approvisionnement de pièces pour l’ensemble de l’industrie.

Les retards de livraison se répercutent sur l’économie avec les manifestations en cours contre les mesures restrictives liées à la COVID-19, qui ont notamment paralysé le trafic à destination du Canada sur le pont Ambassador reliant Detroit et Windsor, en Ontario.

Des milliers de travailleurs ont vu leurs heures diminuer alors que les constructeurs automobiles réduisent leur capacité, une situation qui a un effet d’entraînement sur les fournisseurs locaux et l’économie en général.

« Ce n’est pas seulement un problème automobile, c’est un énorme problème économique pour le Canada dans son ensemble », a fait valoir jeudi Dino Chiodo, le directeur du secteur automobile chez Unifor, le plus grand syndicat de l’industrie au pays.

« Vous avez des pertes de salaires qui ne peuvent pas être contrebalancées, puis des fournisseurs de pièces indépendants qui ferment leurs portes […] l’effet d’entraînement est énorme. »

Le secteur automobile, qui dépend fortement du commerce transfrontalier de marchandises, est en train de devenir l’un des plus durement touchés par les manifestations.

Environ 400 millions de marchandises traversent le pont Ambassador chaque jour, ce qui représente près du tiers de tous les échanges entre le Canada et les États-Unis, a souligné Brian Kingston, président et chef de la direction de l’Association canadienne des constructeurs de véhicules.

« Pour l’industrie automobile, qui est totalement intégrée dans toute l’Amérique du Nord, c’est une infrastructure essentielle », a-t-il affirmé.

« Nous sommes confrontés à cette situation très malheureuse, où ce pont a été bloqué. Nous assistons maintenant à des arrêts de production et à des réductions dans les usines d’assemblage d’automobiles de l’Ontario. »

Une pénurie de pièces qui pourrait se prolonger

Le trafic commercial étant bloqué sur le pont reliant Detroit et Windsor, les constructeurs automobiles ont tenté de trouver des routes de navigation alternatives.

Cependant, avec de nombreux points de passage terrestres désormais entravés par des barricades, certaines entreprises ont recours au fret aérien, une mesure coûteuse et non durable.

Les usines de Ford Canada à Oakville et Windsor, en Ontario, tournent à capacité réduite, tandis que Toyota Motor Manufacturing Canada affirme que ses trois lignes ont été touchées.

Les retards de la chaîne d’approvisionnement « nuisent aux clients, aux travailleurs de l’automobile, aux fournisseurs, aux communautés et aux entreprises des deux côtés de la frontière qui connaissent déjà une pénurie de pièces depuis deux ans », a expliqué la porte-parole de Ford, Rose Pao, dans un communiqué.

« Nous espérons que cette situation sera résolue rapidement, car elle pourrait avoir un impact généralisé sur tous les constructeurs automobiles aux États-Unis et au Canada. »

Les installations de Stellantis, constructeur de véhicules Chrysler et Dodge, et celles de Honda Canada sont opérationnelles, mais leur capacité de fabrication a été réduite mercredi, en raison des retards à la frontière.

Les constructeurs automobiles prévoient désormais d’éventuelles pénuries prolongées de produits si le passage frontalier reste compliqué.

« Nous nous attendons à des perturbations d’ici ce week-end, nous continuons donc d’ajuster nos plans de production », a expliqué le porte-parole de Toyota, Michael Bouliane, dans une déclaration.

Les arrêts de production temporaires surviennent alors que les constructeurs automobiles sont aux prises avec d’autres défis liés à la chaîne d’approvisionnement, notamment une pénurie de semi-conducteurs qui a entravé le marché des véhicules neufs.

La manifestation du pont Ambassador — le passage transfrontalier le plus achalandé en Amérique du Nord — traite généralement environ 7000 véhicules commerciaux par jour transportant des marchandises échangées entre le Canada et les États-Unis.

L’Alliance canadienne du camionnage a appelé tous les paliers de gouvernement à mettre fin aux manifestations qui perturbent les frontières et les routes commerciales essentielles.

« Beaucoup de ceux qui manifestent voient leur vie perturbée par certaines politiques, ironiquement, perturbent la vie de leurs concitoyens canadiens », a souligné Stephen Laskowski, président de l’Alliance canadienne du camionnage, dans un communiqué.

« Que ce soit le chauffeur de camion dévoué qui est coincé à la frontière et incapable de rentrer chez lui avec sa famille ou l’ouvrier d’usine qui est renvoyé à la maison parce que des produits et des matières premières critiques ne peuvent pas être livrés, les seules personnes à qui ces manifestations nuisent sont les travailleurs canadiens qui ont permis à notre pays de tenir bon », a-t-il affirmé.