En redressement après les secousses initiales de la pandémie, l’industrie aérospatiale recevra 334 millions d’ici 2024 en soutien financier du gouvernement Legault. Des acteurs du milieu espèrent que cet engagement signalera à la relève que le ciel s’éclaircit et que l’avenir est prometteur.

La Stratégie québécoise de l’aérospatiale Horizon 2026 a été présentée lundi alors que quelque 5000 postes sont vacants dans l’industrie et que les établissements de formation peinent à attirer de nouvelles recrues. Bonifiée de 95 millions dans le plus récent budget du ministre des Finances, Eric Girard, l’initiative devrait attirer des investissements privés estimés à 2,8 milliards par Québec.

Dans l’industrie, on espère que cette stratégie et l’investissement d’environ 1,5 milliard d’Airbus et de Québec dans l’A220 contribueront à changer les perceptions à l’endroit de l’aéronautique, qui n’est pas épargnée par les défis de recrutement.

« Le gouvernement dit : “Pour nous, c’est important ce secteur, alors allez étudier là-dedans” », explique Hugue Meloche, président et chef de la direction du fabricant de pièces Groupe Meloche, au cours d’un entretien téléphonique. « La main-d’œuvre reste l’enjeu numéro un, numéro deux et numéro trois. »

Pour les entreprises, il est difficile d’envisager d’importants projets axés sur la croissance si elles ne sont pas capables d’avoir les travailleurs pour les réaliser.

Présidente-directrice d’Aéro Montréal, Suzanne Benoît voit dans la stratégie gouvernementale une façon de faire réfléchir les étudiants qui songent à une carrière dans l’aérospatiale, mais qui hésitent.

« C’est peut-être un atout pour aller chercher une relève », dit-elle en entrevue téléphonique. « Il faut changer les perceptions. Les gens pensent que nous sommes encore à genoux. Il faudra aussi faire des campagnes de promotion et de marketing. »

Lisez l’article « Situation “critique” dans le recrutement »

La crise sanitaire a néanmoins privé l’industrie de ventes estimées à 2 milliards en plus de faire disparaître 7300 postes au plus fort de la pandémie.

Priorités ciblées

La stratégie gouvernementale se décline en trois axes : l’innovation, la diversification et la contribution au rayonnement international des petites et moyennes entreprises. De grands acteurs, comme Bombardier et CAE, ainsi que des PME pourront soumettre des projets afin d’obtenir une aide financière.

Québec espère que sa stratégie rapprochera la recherche fondamentale et celle réalisée en entreprise. Celle-ci vise également à financer une partie de la facture pour de nouveaux créneaux, comme les drones et les satellites de télécommunication. On veut aussi épauler les entreprises qui veulent accroître leur exposition au créneau de la défense, qui est plus résilient aux aléas de l’économie comparativement à l’aviation commerciale.

Consultez la Stratégie québécoise de l’aérospatiale

Mais parallèlement à ces objectifs, l’industrie devra relever le défi de la main-d’œuvre, a reconnu le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon.

« Le plafond de verre [à plusieurs endroits], c’est la main-d’œuvre », a-t-il dit au cours d’une conférence de presse virtuelle à laquelle participaient Mme Benoît et M. Meloche. « On veut s’y pencher au niveau des jeunes, de l’immigration pour compenser temporairement et la formation continue des entreprises. »

Le ministre Fitzgibbon a dit avoir discuté avec son collège au Travail, à l’Emploi et à la Solidarité sociale, Jean Boulet, au cours de la « fin de semaine » et que ce dernier était « très sensible » à ce qui a trait notamment au volet des travailleurs qui viennent de l’extérieur. La stratégie prévoit par ailleurs une table de concertation interministérielle sur la main-d’œuvre en aérospatiale pour établir des stratégies ciblées.

Se rapprocher de Boeing

Airbus est bien implantée au Québec depuis qu’elle a pris le contrôle de l’A220 – l’ex-C Series de Bombardier – en 2018. M. Fitzgibbon n’a pas caché qu’il aimerait également voir des entreprises québécoises élargir leurs relations d’affaires avec Boeing, l’autre grand constructeur d’avions et principal rival de l’avionneur européen.

Des échanges ont eu lieu entre le gouvernement Legault et les représentants du géant américain l’automne passé, a confirmé le ministre.

« Ce sont des gens avec qui nous discutons régulièrement, a expliqué M. Fitzgibbon. Ils veulent voir comment ils pourraient regarder des projets avec des entreprises d’ici. J’encourage beaucoup Boeing à regarder nos PME au Québec. »

Établi à Longueuil, le fabricant de trains d’atterrissage et de pièces d’aéronautique Héroux-Devtek figure parmi les fournisseurs privilégiés de Boeing et brasse des affaires avec l’avionneur depuis plusieurs années. M. Fitzgibbon aimerait voir d’autres entreprises québécoises faire de même.

Airbus : un investissement pour Mirabel, soutient Fitzgibbon

La quasi-totalité de l’investissement d’environ 1,5 milliard effectué par Airbus (1,1 milliard) et Québec (380 millions) dans l’A220 se réalisera à Mirabel, où se trouve la principale chaîne de montage de l’avion, affirme le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon. Celui-ci a minimisé la possibilité que les contribuables québécois financent indirectement le site de Mobile, en Alabama, où sont assemblés les A220 destinés aux clients américains. « Près de 95 % de l’argent va aller à Mirabel parce que c’est là que se font les avions [et c’est] le centre nerveux, a-t-il dit. Fondamentalement, c’est un projet qui est pour le Québec. » Interrogée vendredi dernier sur la question, la haute direction d’Airbus n’avait pas voulu donner une idée de la somme qui serait destinée à Mobile.

En savoir plus
  • 36 000
    L’industrie aérospatiale québécoise représente 36 000 emplois directs. Avant la pandémie, on recensait plus de 43 300 postes.
    Ministère de l’Économie et de l’Innovation
    16
    Les ventes annuelles du secteur, mené par des acteurs comme Bombardier, CAE et Pratt & Whitney Canada, frisent les 16 milliards.
    Ministère de l’Économie et de l’Innovation