(Washington) Joe Biden a voulu apporter de la diversité parmi les gouverneurs de la puissante banque centrale américaine (Fed), mais les trois économistes qu’il a choisis font les frais d’une bataille politique, et ont dû répondre aux critiques jeudi lors de leur audition au Sénat.

« L’audition d’aujourd’hui […] est un referendum pour l’indépendance de la Fed », a alerté le sénateur Pat Toomey, responsable républicain de la commission bancaire, à l’ouverture de la séance.

La Maison-Blanche a profité d’avoir trois sièges vacants sur les sept que compte le conseil des gouverneurs de la Fed pour y apporter, comme promis, « une diversité tant attendue ».

Lisa Cook, ancienne conseillère économique de Barack Obama et actuellement professeure à l’Université d’État du Michigan, deviendrait ainsi la première femme afro-américaine à être gouverneure de la Fed, si le Sénat confirme sa nomination.

Mais elle s’est vu reprocher un bagage économique trop léger : « votre parcours, bien que très impressionnant […] ne semble pas lié à la mission de la Réserve fédérale », lui a ainsi reproché le sénateur républicain Bill Hagerty.

« J’ai été la cible d’attaques anonymes et mensongères », a souligné Mme Cook. « J’ai un doctorat en économie de l’Université de Berkeley en Californie. Je suis spécialisée en macroéconomie et en économie internationale ».

Industries gazière et pétrolière

Mais c’est Sarah Bloom Raskin, ancienne numéro deux du Trésor sous l’administration Obama et choisie par Joe Biden pour le poste clé de vice-présidente de la Fed chargée de la supervision bancaire, qui a concentré l’essentiel des inquiétudes du camp républicain.

L’opposition s’est émue de ses prises de position sur la régulation bancaire et le changement climatique, disant craindre pour la sacro-sainte indépendance de la Fed.

« Je suis très préoccupé par l’utilisation de la Fed comme une arme contre des industries comme l’industrie pétrolière et gazière », a ainsi souligné Bill Hagerty, en écho aux inquiétudes formulées par la chambre de commerce américaine, dans un courrier aux sénateurs.

Mme Raskin, qui est par ailleurs mariée à un élu démocrate à la chambre des représentants, a tenté de rassurer, martelant que « la Réserve fédérale n’existe pas pour favoriser des secteurs en particulier » et « ne doit pas choisir les gagnants et les perdants ».

Le troisième économiste choisi par Joe Biden pour rejoindre le conseil des gouverneurs de la Fed est Philip Jefferson, professeur et administrateur du Davidson College de Caroline du Nord. Il deviendrait le quatrième homme noir à siéger depuis la création de l’institution en 1913, et sa nomination est plus consensuelle.

Le comité bancaire du Sénat prévoit de voter le 15 février. Si ces nominations sont confirmées, la majorité des gouverneurs de la Fed seraient des femmes, pour la première fois de l’histoire, et la plupart nommés par un président démocrate.

« Hyperventilation »

« Il y a eu beaucoup d’hyperventilation à propos des sélectionnés », a ironisé le sénateur démocrate Sherrod Brown, président de la commission bancaire, déplorant des avis « fondés sur des exagérations et de fausses déclarations plutôt que sur leurs dossier et expérience réels ».

Il a notamment dénoncé les critiques lancées à l’encontre de Lisa Cook par « la blogosphère d’extrême droite pour discréditer une économiste très respectée ayant une solide expérience en politique monétaire ».

Mais le soutien est aussi venu du camp républicain : Philip Jefferson est, selon Kevin Hassett, un économiste de premier plan sous l’administration de Donald Trump, « exactement le type d’économiste qui doit être à la Fed en cette période difficile ».

Lisa Cook et Philip Jefferson sont « exceptionnellement qualifiés », avait affirmé la National Economic Association, dont tous deux ont été présidents.

Pour ces deux économistes, la priorité immédiate est de faire ralentir l’inflation, qui est au plus haut depuis 40 ans.

« Notre tâche la plus importante est de lutter contre l’inflation. Une inflation élevée est une grave menace pour une expansion longue et soutenue, qui […] élève le niveau de vie de tous les Américains », a souligné Lisa Cook.

« Ce que nous voyons en observant notre histoire est que […] plus l’expansion est longue, plus elle a tendance à être large, et plus on a de personnes qui accèdent à l’emploi et à la prospérité dans tous les groupes socio-économiques », a détaillé Philip Jefferson.

Joe Biden a aussi renommé le président de l’institution, Jerome Powell, pour un second mandat de quatre ans, et choisi comme vice-présidente la gouverneure démocrate, Lael Brainard. Le Sénat ne s’est pas encore prononcé.