La lutte contre l’inflation pourrait être plus difficile que prévu et exiger davantage de hausses des taux d’intérêt, a indiqué mercredi le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, au Comité sénatorial des banques et du commerce.

Le gouverneur répondait aux questions des sénateurs, dont certains ont mis en doute la capacité de la banque centrale à ramener le taux d’inflation à la cible de 2 %.

« Vous parliez de quelque chose de transitoire, a dit Elizabeth Marshall, sénatrice de Terre-Neuve-et-Labrador. Vous avez raté le coche avec cette inflation transitoire. Comment allez-vous restaurer votre crédibilité ? », a-t-elle demandé.

« La meilleure façon, c’est de ramener l’inflation à 2 % », lui a répondu Tiff Macklem. D’autres questions ont porté sur l’incapacité de la banque centrale à prévoir un taux d’inflation aussi élevé que le taux actuel. « Ça donne l’impression que la banque n’est pas en contrôle », a avancé le sénateur Paul Massicotte.

Le gouverneur a expliqué au comité de sénateurs la nouvelle feuille de route de la banque centrale. « Les mesures d’urgence ne sont plus nécessaires et on veut signifier clairement qu’il faut s’attendre à ce que les taux remontent », a-t-il répété.

Le taux d’inflation restera élevé, autour de 5 %, pendant la première moitié de l’année, avant de baisser à 3 % à la fin de 2022 et de revenir ensuite près de la cible de 2 % en 2023, prévoit la banque.

L’économiste et nouveau sénateur québécois Clément Gignac s’est inquiété de la possibilité que les restrictions dans l’offre de nombreux produits durent plus longtemps et maintiennent les prix à un niveau élevé. « Est-ce que les taux d’intérêt pourraient alors monter plus pour dépasser le taux neutre [estimé à entre 1,75 % et 2,75 % par la Banque du Canada] ? », a-t-il demandé.

« Si votre scénario arrive, alors oui, ce sera plus difficile », a répondu le gouverneur.

La Banque du Canada prévoit plusieurs hausses de son taux directeur dans les mois à venir, mais leur nombre dépendra de plusieurs variables et il y a beaucoup d’incertitude, a-t-il expliqué.

Les ménages ont accumulé de l’épargne durant la pandémie et ils dépenseront une bonne partie de cet argent en biens et services quand toutes les restrictions sanitaires seront levées. Si les Canadiens dépensent plus que prévu, « la croissance va augmenter davantage et les taux d’intérêt vont devoir augmenter plus », a dit le gouverneur.

Une croissance surestimée ?

L’économie canadienne devrait croître à un rythme de 4 % cette année et de 3,5 % en 2023, prévoit la banque centrale.

« Je trouve que vous êtes fort optimiste avec ce 4 % », a lancé Pierrette Ringuette, sénatrice du Nouveau-Brunswick. Le sénateur québécois Larry Smith s’est dit inquiet de l’impact qu’auront les hausses de taux d’intérêt sur les ménages et les entreprises, et sur l’économie en général.

La nouvelle première sous-gouverneure de la banque, Carolyn Rogers, a expliqué que la confiance de la banque dans une croissance robuste vient du fait que l’économie se porte très bien actuellement, alors qu’il y a encore beaucoup de restrictions. « Il y a encore beaucoup de potentiel de croissance », a-t-elle souligné.

L’épargne accumulée par les ménages, de même que les tests de résistance appliqués par les institutions financières pour s’assurer que les emprunteurs pourront supporter des taux d’intérêt plus élevés devraient atténuer l’impact des hausses de taux dans le secteur immobilier et l’économie dans son ensemble, a-t-elle estimé.

Le gouverneur a insisté sur le fait que la série de hausses de taux qui est maintenant au programme de la banque centrale sera graduelle, et que l’impact de chacune des augmentations sera mesuré. « On a dit qu’il n’y aurait pas une seule hausse, mais plusieurs, mais on peut aussi prendre une pause entre deux augmentations », a-t-il dit.