(Ottawa) L’inflation annuelle au Canada a atteint un sommet de 30 ans à la fin de 2021, et des économistes préviennent que la cadence des hausses de prix pourrait accélérer encore davantage et accroître la pression sur la Banque du Canada afin qu’elle intervienne dans ce dossier avant la fin du mois.

L’indice des prix à la consommation a grimpé de 4,8 % en décembre sur une base annuelle, l’inflation n’ayant pas été aussi forte au pays depuis septembre 1991, a indiqué mercredi Statistique Canada.

Cette accélération de l’inflation a été alimentée par les prix des produits d’épicerie, qui ont grimpé de 5,7 % d’une année à l’autre – leur plus forte hausse en une décennie – et ceux du logement, qui ont progressé de 9,3 % par rapport à décembre 2020.

L’ameublement des maisons est également devenu plus cher par rapport au même mois un an plus tôt : les prix des appareils électroménagers ont augmenté de 8,9 %, enregistrant leur plus forte hausse annuelle depuis juin 1982.

Et même si les prix à la pompe de l’essence ont diminué d’un mois à l’autre en raison du resserrement des restrictions de santé publique liées à la propagation du variant Omicron, ils montraient toujours une croissance de 33,3 % par rapport à décembre 2020.

Selon Statistique Canada, en excluant les prix de l’essence, l’indice des prix à la consommation aurait augmenté de 4,0 % d’une année à l’autre en décembre.

Depuis décembre, les prix de l’essence ont de nouveau augmenté, alors que les cours mondiaux du pétrole brut reviennent à leurs niveaux d’avant la pandémie, et les problèmes de chaîne d’approvisionnement, qui ont ralenti le flux des biens et de la nourriture en demande, continuent d’exercer une pression à la hausse sur les prix des épiceries.

L’économiste en chef de la Banque de Montréal, Douglas Porter, a indiqué que ces deux problèmes, associés aux rapports de pénurie de main-d’œuvre, suggèrent que l’inflation pourrait encore augmenter, malgré l’espoir général qu’ils aient atteint leur sommet.

« Ils pourraient certainement encore augmenter dans les mois à venir », a affirmé M. Porter lors d’une entrevue.

« Je ne suis pas du tout soulagé ou détendu en ce qui a trait aux perspectives de l’inflation. Je suis assez inquiet de la possibilité que ce problème d’inflation soit plus important que le croient généralement les économistes. »

Statistique Canada a indiqué que l’indice des prix à la consommation avait augmenté, pour l’ensemble de l’année 2021, à son rythme le plus rapide depuis 1991, soulignant les contraintes généralisées de la chaîne d’approvisionnement mondiale et la libération de la demande refoulée des consommateurs lors de la réouverture de l’économie.

Les prix grimpent plus que les salaires

En outre, la variation des prix d’une année à l’autre en décembre a surpassé la hausse des salaires au cours de la même période. Selon Statistique Canada, les salaires ont augmenté de 2,6 % entre décembre 2020 et le mois dernier, ce qui signifie que les Canadiens ont vu leur pouvoir d’achat diminuer.

L’économiste Tu Nguyen, du cabinet comptable RSM Canada, a indiqué que la baisse du pouvoir d’achat avait un impact disproportionné sur les ménages à faible revenu.

« Non seulement leurs salaires ne sont pas susceptibles de suivre l’inflation, mais leurs emplois sont également moins susceptibles de se retrouver en télétravail, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas éviter de dépenser de l’argent pour de l’essence », a-t-elle précisé.

Le mois de décembre était le neuvième mois consécutif où l’inflation d’ensemble s’établissait au-dessus de la zone cible de la Banque du Canada, qui se situe entre 1,0 % et 3,0 %. Le pays n’a pas connu de séquence aussi longue depuis que la banque centrale a commencé à cibler l’inflation à 2,0 %, soit le point milieu de sa fourchette cible.

La moyenne des trois mesures de l’inflation de base — qui sont considérées comme de meilleurs indicateurs des pressions sous-jacentes sur les prix et suivies de près par la Banque du Canada — était de 2,93 % en décembre, en hausse par rapport à celle de 2,73 % enregistrée en novembre.

Il faut reculer jusqu’en septembre 1991 pour trouver une moyenne aussi élevée.

L’économiste Andrew Grantham, de la Banque CIBC, souligne que la séquence n’est peut-être pas terminée, ce qui pourrait inquiéter la Banque du Canada. Il a notamment évoqué la possibilité que la pression sur les prix s’élargisse à d’autres articles que ceux dont l’offre est limitée.

L’économiste en chef de la Banque Scotia, Jean-François Perrault, a indiqué s’attendre maintenant à ce que l’inflation reste bien au-delà de l’objectif de la banque centrale cette année et la prochaine, notant que les données de la banque suggèrent des attentes similaires de la part des ménages et des entreprises.

La Banque du Canada a déjà affirmé qu’elle était prête à agir pour arrêter l’inflation galopante. Elle doit annoncer la semaine prochaine sa décision sur son taux d’intérêt directeur. M. Perrault mise sur une hausse des taux dès la semaine prochaine et d’autres dans les mois à venir et prédit que le taux directeur sera de 2,0 % d’ici la fin de 2022. Il est maintenu à 0,25 % depuis le début de la pandémie.

La banque centrale pourrait aussi préférer attendre de voir comment évoluera la situation avec la vague actuelle de la pandémie, qui voit une augmentation des cas et des hospitalisations, ainsi que des taux d’absentéisme plus élevés, alors que les travailleurs exposés s’isolent à la maison.

Si la Banque du Canada tarde à agir, M. Porter dit s’attendre à un avertissement de hausses de taux à partir de mars, au moins pour gérer les attentes vis-à-vis de l’inflation et pour commencer à refroidir la demande pour les biens.