La flambée des prix du bois d’œuvre, qui fait notamment grimper le prix des maisons, préoccupe un nombre grandissant d’élus américains démocrates et républicains, qui ont décidé de former un front commun afin d’exhorter l’administration Biden à se pencher sur la dispute canado-américaine qui dure depuis 2017.

Près d’une centaine de membres du Congrès ont interpellé la représentante américaine au Commerce, Katherine Tai, dans une lettre que La Presse a obtenue, afin d’exprimer leurs inquiétudes au moment où l’économie tente de tourner la page sur la pandémie de COVID-19.

« La situation actuelle a provoqué une explosion de la demande et une pénurie à l’échelle nationale, font-ils valoir dans cette lettre datée du 17 mai. Notre économie éprouve des difficultés lorsque les entreprises sont confrontées à de l’incertitude. »

Depuis le début de la crise sanitaire, les prix du bois d’œuvre ont plus que triplé, soulignent les élus. Cela a contribué à faire grimper de 18 %, sur une base annualisée, l’indice des prix relatifs des logements aux États-Unis, ont-ils déploré dans leur missive.

Plus tôt ce mois-ci, la National Association of Home Builders avait également plaidé, dans des déclarations envoyées à divers médias, pour un règlement du conflit sur le bois d’œuvre. La querelle a contribué à faire grimper de plusieurs dizaines de milliers de dollars la facture d’une maison neuve au sud de la frontière.

Les États-Unis imposent actuellement des droits compensateurs et antidumping qui atteignent en moyenne 9 % sur les exportations canadiennes de bois d’œuvre. Dans le cas de Produits forestiers Résolu, les droits sont d’environ 21 %, selon ce qui a été déterminé par le département américain du Commerce.

« Il en résulte des augmentations de coûts inutiles pour les secteurs qui dépendent du bois d’œuvre, comme la construction résidentielle », est-il écrit dans la lettre, qui souligne que la cause se trouve également dans un cul-de-sac à l’Organisation mondiale du commerce.

Pour le président-directeur général du Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ), Jean-François Samray, le front commun d’élus républicains et démocrates enverra un signal fort au sud de la frontière.

« Ce qui sera intéressant, c’est de voir quel sera le ton que donnera l’administration à ce dossier-là, a-t-il dit, au cours d’un entretien téléphonique. Tout ce qui est bipartisan a plus de poids politique. »

Depuis le plus récent épisode de la dispute canado-américaine, qui remonte aux années 1980, c’est plus de 1 milliard que les scieurs québécois ont été contraints de payer en tarifs douaniers.

Selon l’indice Pribec CIFQ, à la mi-mai, le prix était de 1872 $ par mille pieds-planche. Ce prix de référence était d’environ 535 $ à la même période l’an dernier.

Cette sortie des élus américains survient également au moment où le département du Commerce doit procéder à une nouvelle révision des tarifs douaniers – un exercice annuel.

Sans conclure une entente en bonne et due forme avec Ottawa, Washington pourrait ainsi décider d’abaisser les taux en vigueur afin de donner un peu de répit aux consommateurs ainsi qu’au secteur de la construction résidentielle.

Une réduction des tarifs douaniers sur les exportations canadiennes de bois d’œuvre pourrait-elle aggraver la situation actuelle au Québec, qui n’échappe pas à l’explosion des prix ?

« Depuis décembre, les exportations québécoises sont en baisse aux États-Unis, a dit M. Samray, qui a fait remarquer que les augmentations avaient aussi touché plusieurs autres matériaux. Les scieurs ont préféré vendre sur le marché local. Le taux d’exportation vers le sud de la frontière est d’environ 40 %, alors qu’il se situe généralement aux alentours de 50 %. »

Les prix du bois d’œuvre s’étaient contractés au début de la pandémie, qui avait notamment freiné les mises en chantier. La tendance s’était toutefois rapidement inversée puisque les restrictions sanitaires ont incité beaucoup de gens à se lancer dans des projets de rénovation dans un contexte où les mises en chantier ont également repris du poil de la bête.