L’entreprise canadienne Enbridge pourrait être forcée par l’État du Michigan à fermer une de ses canalisations, la ligne 5, qui transporte du pétrole brut de l’Ouest canadien vers les raffineries de l’Ontario et du Québec. Quels seraient les impacts de cette fermeture sur le marché québécois ?

Le Québec risque-t-il de manquer d’essence ?

La réponse courte est non. La ligne 5 transporte 540 000 barils de pétrole par jour vers l’Ontario et le Québec. Les deux raffineries de pétrole du Québec, celles de Valero à Lévis et de Suncor à Montréal, ont mis en place des plans B. Elles peuvent acheter du brut sur le marché international.

À Lévis, Valero a un port en eaux profondes qui lui permet d’accueillir des pétroliers géants. À Montréal, Suncor est propriétaire d’une canalisation qui peut l’approvisionner en pétrole brut de Portland, dans le Maine, directement à ses installations de Montréal-Est. Les deux entreprises peuvent aussi avoir recours aux camions et aux trains.

Quelle est la part de leur approvisionnement qui risque de se tarir si la ligne 5 ferme ? Impossible de le savoir précisément, mais ce serait autour de 50 %.

« Il s’agit de données commerciales critiques qu’on ne divulgue pas », a fait savoir la porte-parole de la raffinerie de Lévis, Marina Pilotto. Selon elle, toutefois, la fermeture de la ligne 5 ne forcera pas la raffinerie à réduire sa production parce qu’elle peut s’approvisionner ailleurs et que le brut ne manque pas sur le marché international.

Est-ce qu’il y aura un impact sur les prix à la pompe ?

Oui, le prix de l’essence augmentera certainement. La fermeture de la ligne 5 privera les raffineries québécoises de leur source d’approvisionnement la moins chère. Le brut canadien se vend moins cher que le WTI et le Brent, les autres catégories. La différence est actuellement de 15 $ US le baril avec le WTI.

« Pour approvisionner l’est du Canada et le Michigan, les raffineurs devront se tourner vers des sources alternatives, plus coûteuses », confirme la porte-parole de Suncor, Sneh Seetal, qui nous renvoie aux propos récents du président de l’entreprise, Mark Little.

Le PDG de Suncor a dit publiquement que le recours à d’autres canalisations et à d’autres sources d’approvisionnement engendrera des coûts supplémentaires pour son entreprise, mais qu’ultimement, c’est le consommateur qui paiera la note. « Que ce soit au Michigan, en Ontario ou au Québec, ça va faire augmenter le prix des produits et faire mal aux consommateurs », a-t-il dit.

Qui souffrirait le plus de la fermeture ?

Les premières victimes de la fermeture de la ligne 5 seraient les producteurs de pétrole canadien, qui se verraient privés d’un débouché vers les deux plus importants marchés du Canada. Le pétrole canadien se vend à escompte par rapport aux autres catégories de brut parce que son marché est limité au Canada et aux États-Unis.

Le brut qui voyage par la ligne 5 est transformé en essence, en carburant d’avion et en propane. Tous les utilisateurs de ces produits risquent de les payer plus cher.

Les entreprises et les consommateurs de l’Ohio et du Michigan souffriraient autant que les Ontariens et les Québécois de la fermeture de la ligne 5. Le Michigan, par exemple, est l’État américain qui consomme le plus de gaz propane. Plus de la moitié, soit 55 %, de son approvisionnement en propane dépend du pétrole qui transite par la ligne 5.