(New York) La vie reprend dans les quartiers d’affaires, les files s’allongent de nouveau le midi dans les comptoirs à salades et de grandes entreprises appellent leurs employés à revenir dans les gratte-ciel : les signes d’un retour au bureau se multiplient à New York, de façon hybride pour l’instant.

Après 14 mois de télétravail généralisé pour cause de pandémie et une campagne de vaccination menée tambour battant, plusieurs firmes emblématiques de la capitale économique américaine se préparent à un retour en présentiel massif de leurs employés : la banque JPMorgan Chase a ouvert la marche fin avril en appelant ses salariés américains à revenir au bureau, selon un système de rotation, d’ici début juillet.

Autre géant financier new-yorkais, Goldman Sachs a prié mardi dernier ses salariés de se préparer à retourner au bureau à partir du 14 juin.  Des annonces qui s’ajoutent à celle de la levée de la plupart des restrictions à New York le 19 mai, sur fond de recul continu du taux de positivité à la COVID-19, désormais autour de 2 %.

Les fonctionnaires sont aussi concernés : la mairie de New York a commencé à faire revenir 80 000 employés lundi dernier.

« Optimisme »

Ces requêtes aux employés semblent vouloir accélérer un mouvement de retour qui s’amorçait tout juste dans une métropole frappée de plein fouet par la pandémie au printemps 2020, avant de devenir un modèle de prudence face au coronavirus : la proportion d’employés retournant au bureau, qui plafonnait autour de 13 % depuis janvier, a dépassé 16 % fin avril, selon la société Kastle.

« Il y a clairement une tendance à la hausse, mais très progressive », a indiqué à l’AFP le président de cette entreprise spécialisée dans la sécurité des immeubles de bureaux, Mark Ein. « C’est une vague qui monte lentement. »

Si les taux d’occupation new-yorkais restent inférieurs à la moyenne américaine, certains prévoient une forte augmentation dans les deux mois à venir.

« On assiste à un changement radical »,  dit Craig Deitelzweig, président de Marx Realty, société gestionnaire de sept immeubles dans les quartiers d’affaires de Midtown et Wall Street, à Manhattan, dont le taux d’occupation, de 20 % dernièrement, est repassé la semaine dernière au-dessus de la barre des 30 %.

« Avant, quand on demandait à nos locataires quand ils reviendraient, ils disaient septembre. Maintenant, on entend juin ou juillet, même parfois mai », dit-il.

Corollaire de cette reprise, une forte demande pour des espaces extérieurs et des fenêtres ouvrables, explique-t-il, ce qui n’est pas toujours le cas dans les gratte-ciel de Manhattan.

« En regardant par la fenêtre, avant, je ne voyais personne sur les trottoirs », dit aussi Robert Byrnes, président de la East Midtown Partnership, une association d’entreprises de Midtown, depuis ses bureaux de la 3e Avenue. « Maintenant, ce n’est pas bondé, mais je vois des dizaines de personnes. […] Il y a clairement un sentiment d’optimisme. »

Salariés méfiants

Pourtant, de nombreux employés restent réticents, surtout lorsqu’ils dépendent de longs trajets en transports en commun.

Nadjeda Estriplet, responsable relations humaines d’une société de technologie financière, a quitté la semaine dernière son domicile de Brooklyn afin de se rendre à son bureau de Manhattan, à une heure de là, pour la première fois depuis le passage au télétravail. Pour elle, pas question de précipiter les choses. D’autant qu’elle préfère observer encore les réactions aux nouveaux vaccins et attendre l’été pour se faire immuniser.

Comme beaucoup, sa société a sondé ses salariés et « penche pour un fonctionnement hybride » à partir de septembre, avec deux ou trois jours maximum de présence obligatoire au bureau, dit-elle.

Jordan, 34 ans, chargé de clientèle dans une grande entreprise financière, espère lui aussi pouvoir continuer à travailler chez lui au moins deux ou trois jours par semaine, et ainsi s’éviter deux heures de trajet quotidien.  

Travailler essentiellement à domicile lui a permis de « mieux dormir et manger plus sainement », dit-il.

Jusqu’ici, son employeur « n’a mis aucune pression », mais il s’attend avec appréhension à de nouvelles consignes prochainement.

Les entreprises semblent conscientes des hésitations de leurs salariés : dans sa note au personnel, Goldman Sachs – où de jeunes cadres ont récemment dénoncé un surmenage endémique – laisse aux employés la possibilité de discuter de leur situation avec leur hiérarchie.

Près des trois-quarts (72 %) des employeurs américains – qui font désormais de la « santé mentale » de leurs employés une priorité – se disent ouverts à un fonctionnement hybride, mais émettent généralement la condition que les salariés soient au bureau au moins 20 heures par semaine, selon une étude publiée fin avril par l’université Arizona State et la fondation Rockefeller.

Une souplesse qui pourrait s’expliquer par leurs hésitations à exiger la vaccination : moins de la moitié (44 %) des entreprises veulent l’imposer à tous leurs employés et 32 % préfèrent « l’encourager », selon cette étude.