(Ottawa) Le Sénat a adopté le projet de loi C-29 du gouvernement Trudeau forçant le retour au travail des 1150 débardeurs du port de Montréal, en grève illimitée depuis lundi.

Le projet de loi a été adopté sans amendement. Il a obtenu la sanction royale vers 21 h 30. Résultat : les débardeurs devront retourner au travail à 0 h 01 le jour suivant cette sanction royale, soit ce samedi, à défaut de quoi le syndicat et l’employeur sont passibles d’amendes de 100 000 $ par jour d’infraction. La loi prévoit également qu’un médiateur-arbitre tranchera les différends qui opposent le Syndicat des débardeurs à l’Association des employeurs maritimes.

La grève aura donc duré cinq jours en tout. Au moins 130 conteneurs renfermant des marchandises jugées essentielles « pour la santé et la sécurité des Canadiens » se retrouvent coincés au port de Montréal à cause de cette grève, selon le ministère des Transports.

Une quinzaine de ces conteneurs se trouvent sur les quais tandis que les autres sont toujours sur les bateaux, qui ne peuvent être déchargés de leurs marchandises, a indiqué le sous-ministre des Transports, Michael Keenan.

Les marchandises coincées comprennent notamment des équipements de protection individuelle, des médicaments, des articles médicaux, des produits désinfectants – bref, des produits nécessaires dans le cadre de la lutte contre la COVID-19. Ces produits se trouvent dans une trentaine de conteneurs.

« Il est impossible de sortir ces conteneurs du port en raison de la grève », a affirmé le sous-ministre. M. Keenan a précisé qu’il n’y avait pas de vaccins dans le lot. « Les vaccins sont acheminés par voie aérienne en général. Mais il y a quand même un tas de produits qui sont tout de même importants dans le cadre de la campagne du Canada contre la COVID-19 », a-t-il souligné.

Témoignant plus tôt en journée, Michel Murray, conseiller du Syndicat des débardeurs, affilié au Syndicat canadien de la fonction publique, a indiqué avoir offert à l’Association des employeurs maritimes de retirer tous les conteneurs jugés essentiels au début de la semaine, malgré la grève. Mais cette invitation est demeurée sans réponse, a-t-il indiqué.

Durant son témoignage, M. Murray s’est montré résigné à voir les sénateurs adopter à leur tour le projet de loi C-29, qui prive selon lui les débardeurs du droit fondamental de recourir à la grève pour défendre leurs intérêts. Il a réitéré l’intention du syndicat de contester cette mesure, qu’il estime « inconstitutionnelle », devant les tribunaux.

M. Murray a tout de même profité de son témoignage pour réclamer un amendement au projet de loi.

« Pour protéger les hommes et les femmes qu’on représente, il faudrait ajouter à l’article 6 que les conditions de travail qui prévalaient, et les pratiques en termes d’horaires de travail qui prévalaient dans le port de Montréal au 9 avril 2021, à savoir avant que l’employeur les modifie, continuent de trouver application », a plaidé M. Murray.

Il a répété aux sénateurs que c’était les changements aux horaires qui avaient provoqué le déclenchement de la grève des 1150 débardeurs, sans contrat de travail depuis décembre 2018.

Cet amendement a été proposé en soirée par la sénatrice Frances Lankin, mais a été rejeté par ses collègues.

Martin Tessier, président de l’Association des employeurs maritimes, s’est élevé contre cette idée durant son témoignage, qui avait suivi celui de M. Murray.

« On a déjà utilisé ces horaires », a-t-il déclaré, en soutenant que la convention collective le permet.

« Effectivement, ce n’est pas un horaire qu’on utilise énormément. J’en conviens avec M. Murray ; par contre, on est dans une situation exceptionnelle. On est en temps de pandémie », a-t-il ajouté, en insistant sur la nécessité d’avoir « plus de flexibilité opérationnelle ».

Les sénateurs ont également pu entendre vendredi après-midi la ministre fédérale du Travail, Filomena Tassi, et son collègue ministre des Transports, Omar Alghabra. Les deux ministres ont insisté sur l’importance d’adopter ce projet de loi.

« C-29 est un geste de dernier recours, a affirmé la ministre Tassi. Malheureusement, il est absolument nécessaire de mettre fin à la grève au port de Montréal avant que la situation ne devienne terrible. »

Le sénateur conservateur Claude Carignan a exhorté la ministre Tassi à désigner l’ensemble des activités du port de Montréal comme des services essentiels afin d’éviter qu’un autre conflit de travail ne paralyse ce maillon important de la chaîne d’approvisionnement du pays.

Mais la ministre Tassi a affirmé qu’une telle mesure n’était pas de son ressort.

Avec La Presse Canadienne