Le grand patron de la Banque Nationale, Louis Vachon, croit qu’il faudra possiblement resserrer à nouveau les règles pour éviter une bulle dans l’immobilier résidentiel et suggère quelques pistes de solution.

« Les bulles spéculatives les plus destructrices sont les bulles en immobilier résidentiel. On a vu ce qui s’est passé aux États-Unis en 2008 », a lancé Louis Vachon vendredi au cours d’une entrevue accordée en marge de l’assemblée annuelle des actionnaires de la Banque Nationale.

« Pour la grande majorité des familles canadiennes, leur maison est leur plus grand actif financier. L’éclatement d’une bulle spéculative dans ce segment de l’économie aurait des répercussions sociales et économiques très négatives », dit-il.

« Le Bureau du surintendant des institutions financières a déjà resserré un peu la vis. Mais avant de faire autre chose, il faut comprendre ce qui se passe. »

Début avril, le Bureau du surintendant des institutions financières a annoncé des mesures pour faire en sorte que le test visant à obtenir une hypothèque soit plus difficile dans le but d’éviter que des acheteurs ne soient plus capables de rembourser leur hypothèque lorsque les taux remonteront à un niveau plus normal.

Louis Vachon croit possible que de nouveaux ajustements soient nécessaires au cours des 6 à 12 prochains mois. « La mécanique est toutefois complexe et nous recommandons de pousser l’analyse plus loin sur trois points précis avant de mettre en œuvre de nouveaux ajustements à la politique en la matière », précise le banquier.

Si la pandémie influence assurément le marché, Louis Vachon dit que certains effets pourraient être permanents, d’autres temporaires.

Est-ce que les baby-boomers commenceront à nouveau à se départir de leurs maisons dès la fin de la pandémie ou les garder plus longtemps, ce qui aurait un effet négatif sur le marché ?

Louis Vachon, président et chef de la direction de la Banque Nationale du Canada

Et parlant des boomers, le PDG de la Banque Nationale aimerait bien connaître l’impact du soutien de « papa et maman » dans le financement des acheteurs actuels.

« Ce soutien parental réduit en théorie l’endettement et le risque systémique, mais il pourrait aggraver les inégalités sociales pour ce qui est de l’accès aux résidences unifamiliales. »

Un autre aspect à évaluer, selon lui, est le télétravail qui semble causer un élargissement de la demande immobilière à une plus grande région géographique (troisième, quatrième et cinquième couronne de Vancouver, Montréal et Toronto). « Si cette transformation est permanente, le phénomène justifierait bien le comportement du prix des propriétés dans ces marchés », dit-il.

« On n’est plus juste à 20 km des grands centres. C’est rendu plus large. Si plus de gens veulent vivre à Trois-Rivières pour des choix personnels, le prix des maisons à Trois-Rivières va augmenter. C’est une réalité et non une bulle spéculative. »

Louis Vachon suggère donc aux « agences pertinentes » de mener des sondages sur ces trois points.

Il recommande par ailleurs aux régulateurs provinciaux et sectoriels d’envisager une plus grande transparence du prix en réglementant ou en interdisant les offres à l’aveugle (encans sans transparence sur le prix des maisons) pour les propriétés résidentielles et faire en sorte qu’il soit plus difficile pour les nouveaux acheteurs de renoncer à leurs droits juridiques par rapport aux vendeurs.

Ces politiques protégeraient mieux les acheteurs et ralentiraient la vélocité du marché. C’est très rare que mettre plus de transparence dans un marché soit négatif. La première étape serait peut-être des consultations publiques sur ces questions.

Louis Vachon, président et chef de la direction de la Banque Nationale du Canada

Dividende et fractionnement

En réponse à la question d’un actionnaire, Louis Vachon a dit qu’il ne souhaitait pas conjecturer sur l’échéancier d’un changement de décision du Bureau du surintendant des institutions financières qui permettrait à nouveau de bonifier le dividende des banques. Le contexte de la pandémie et les variants prennent une tournure un peu plus complexe, a-t-il souligné.

« On avait l’habitude d’augmenter le dividende deux fois par année et depuis un an, notre rentabilité a continué de progresser. Notre taux de partage de dividende avec les actionnaires a diminué. On pourrait rattraper ça dans une première étape pour ensuite continuer d’augmenter le dividende de façon plus régulière comme dans le passé. »

Louis Vachon a aussi fait remarquer que l’action de la banque est au même niveau qu’elle était il y a sept ans (c’est-à-dire 88 $), lorsqu’elle a été fractionnée à raison de deux pour une. « Avec la numérisation de la gestion de patrimoine et des transactions boursières, c’est rendu moins nécessaire et moins à la mode de fractionner ses actions. C’est pour ça que vous voyez dans le monde technologique des actions à plus de 1000 $, et même celle de Berkshire Hathaway à plus de 400 000 $. » Il rappelle qu’à une certaine époque il y avait des frais liés à l’achat des lots irréguliers (moins de 50 actions, par exemple).

« L’enjeu de l’accessibilité pour les petits porteurs est moins présent. C’est à suivre. On prendra une décision à moyen terme », dit-il à propos d’un fractionnement éventuel.