(Ottawa) Le plan vert à 17,6 milliards du budget Freeland prévoit l’atteinte d’une cible de réduction des gaz à effet de serre (GES) de 36 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005. Mais il s’agit là d’une projection bien éphémère, car un nouvel objectif arrivera très bientôt.

Les libéraux, qui avaient a priori embrassé la cible de 30 % fixée par les conservateurs de Stephen Harper, s’étaient engagés à accoucher d’un objectif plus ambitieux en décembre dernier, grâce à un plan climatique qui comportait une hausse de la taxe fédérale sur le carbone.

Les mesures de ce plan auraient mené à une réduction de 31 %, lit-on dans le budget.

Mais les investissements verts de 17,6 milliards détaillés dans l’exercice financier, de concert avec « d’autres mesures, dont l’alignement continu avec les États-Unis », changent la donne et font ainsi passer la cible de réduction du Canada à 36 %.

Aux ordures, donc, l’objectif qui était aussi celui de l’accord de Paris.

Cependant, la cible de 36 % pourrait elle aussi vite devenir caduque, à en croire ce passage : « Dans les prochains jours, le gouvernement compte annoncer de nouvelles cibles plus ambitieuses en matière de changements climatiques de 2030. »

Tout indique que Justin Trudeau en fera l’annonce en grande pompe, pour un auditoire mondial. C’est que le premier ministre participera jeudi et vendredi à un sommet international sur le climat, auquel l’a convié le président des États-Unis, Joe Biden.

Et selon ce qu’a appris La Presse, pour obtenir un carton d’invitation de l’émissaire américain sur le climat, John Kerry, il faut faire partie du club sélect des pays dont la cible de réduction est à 40 %.

En décembre dernier, le premier ministre affirmait que le nouvel objectif du Canada oscillerait « entre 32 et 40 % ». Le budget concocté par sa ministre des Finances, Chrystia Freeland, fournit davantage d’informations sur la façon dont le gouvernement compte opérer sa transition verte.

Propulser l’économie verte

L’une des enveloppes les plus généreuses du budget 2021 va à l’accélérateur net zéro du Fonds stratégique pour l’innovation. On vient ajouter 5 milliards aux 3 milliards déjà annoncés lors de la mise sur pied de cette initiative. Les investissements visent à permettre aux grandes émettrices de GES – acier, aluminium, ciment – d’aspirer à la décarbonisation, aidant du même coup le Canada à atteindre l’objectif zéro émission en 2050.

Le gouvernement mise aussi beaucoup sur la propulsion de projets de technologies propres, en accroissant la fabrication de technologies à zéro émission. Aussi, le budget de 2021 propose-t-il de réduire de 50 % le taux d’imposition général des sociétés et des PME qui en produisent, et ce, à compter du 1er janvier 2022. La mesure privera le Trésor de 45 millions sur cinq ans, mais on fait le pari qu’elle relancera l’économie.

Y sont admissibles une kyrielle d’entreprises de fabrication vertes : des éoliennes aux panneaux solaires en passant par les voitures, les autobus et autres véhicules propres – General Motors et Lion, qui ont récemment reçu un coup de pouce financier d’Ottawa, pourraient s’en prévaloir.

Le gouvernement entrevoit aussi un avenir prometteur pour les technologies de captage et de stockage du carbone (avec une somme de 319 millions sur sept ans et la proposition d’instaurer un crédit d’impôt pour le capital investi dans ces projets). Il veut aussi créer une Agence canadienne de l’eau, et investir dans des solutions agricoles pour le climat (200 millions sur deux ans).

Et puisque « l’action climatique commence à la maison et que des rénovations énergétiques résidentielles profondes peuvent avoir un effet important sur la réduction des émissions », Ottawa propose d’accorder, par l’entremise du budget, des prêts de 4,4 milliards afin de permettre aux ménages canadiens d’augmenter l’efficacité énergétique de leur demeure ou de mieux la protéger contre les risques climatiques.

Le programme serait en place d’ici l’été 2021, et plus de 200 000 ménages en profiteraient.

36 %, et puis après ?

Le volet vert libéral a été plutôt bien accueilli dans les cercles environnementaux.

Du côté d’Équiterre, le maintien des subventions aux énergies fossiles continue de faire tiquer. De façon plus générale, néanmoins, on constate que le budget « amorce de manière générale la transition tant attendue » et « se veut conséquent à plusieurs égards », a argué Marc-André Viau, porte-parole de l’organisation.

Même son de cloche chez Greenpeace, où l’on attend avec impatience de connaître la cible revue et corrigée. « Car que ce soit 36 %, 40 %, 42 %, cela reste en deçà de la réduction d’au moins 60 % que devrait accomplir le Canada s’il veut faire sa juste part », a soutenu le porte-parole Patrick Bonin.

Et comme pour préparer le terrain ou faire monter les enchères, l’ancien vice-président démocrate Al Gore a écrit lundi sur Twitter qu’il espérait voir « Justin Trudeau et le Canada s’engager à réduire les émissions d’au moins 50 % d’ici 2030 ».