(Ottawa) Le gouvernement fédéral pourrait réduire les taux de pauvreté de près de moitié en un an s’il mettait en place un « revenu de base garanti » semblable à celui qui a déjà été étudié en Ontario, estime le directeur parlementaire du budget (DPB).

L’efficacité d’un tel programme ne serait pas la même d’une province à l’autre, prévient le bureau d’Yves Giroux : la baisse du taux de pauvreté pourrait ainsi atteindre 61,9 % au Manitoba, mais 13,5 % à Terre-Neuve-et-Labrador. Le taux de pauvreté baisserait de 60,4 % au Québec, de 49,2 % en Ontario et de 32,6 % au Nouveau-Brunswick, selon les estimations du DPB.

Essentiellement, le revenu de base garanti consiste à verser un montant minimal à tous les citoyens, sans condition, afin de s’assurer que chacun dispose d’un revenu minimal. Il y a quatre ans, l’Ontario avait amorcé un projet pilote, qui versait l’équivalent de 75 % du revenu établi comme « mesure de faible revenu », puis en retranchant ensuite 50 cents pour chaque dollar gagné en salaire par le bénéficiaire. Ce projet pilote, que les fonctionnaires fédéraux surveillaient de près, a toutefois pris fin prématurément, lorsque les libéraux ont été remplacés par les conservateurs en Ontario.

D’après l’analyse publiée mercredi par le DPB, le coût total d’un programme fédéral de revenu de base garanti s’élèverait à 85 milliards s’il était implanté cette année. Les coûts grimperaient ensuite jusqu’à 93 milliards d’ici 2026.

Le rapport du DPB met à jour des projections de l’été dernier sur le coût d’un programme de revenu de base et détaille l’effet d’entraînement financier sur les ménages et les travailleurs. Plusieurs parlementaires avaient en effet demandé au DPB de préparer une analyse d’un revenu de base garanti au moyen des paramètres établis en Ontario. Ce programme a connu un regain d’intérêt au cours de la pandémie, qui a coûté environ trois millions d’emplois au pays. Au moins 2,5 millions d’autres Canadiens ont connu une baisse de leurs heures travaillées — et de leurs revenus.

Des militants libéraux et néo-démocrates ont présenté des résolutions pour que les délégués à leur prochain congrès d’orientation adoptent le concept du revenu de base garanti dans le programme de leur parti respectif. Les militants néo-démocrates ne devraient pas déchirer leur chemise là-dessus, mais les libéraux sont plutôt divisés — le premier ministre Justin Trudeau ne serait pas très chaud à cette idée.

Moins de crédits d’impôt

En vertu d’un programme de revenu de base garanti comme celui que M. Giroux a évalué, Ottawa aurait versé environ 17 000 $ à une personne seule, ou 24 000 $ à un couple. Ce revenu de base garanti est ensuite réduit à mesure qu’une personne voit son revenu d’emploi augmenter, à raison de 0,50 $ pour chaque dollar gagné.

Dans la plupart des cas, estime M. Giroux, le revenu disponible augmenterait de 17,5 % pour les personnes en bas de l’échelle des revenus, soit un peu plus de 4500 $, tandis que celles qui se situent en haut de l’échelle des revenus verraient leurs revenus baisser légèrement. La raison de cette baisse réside dans une autre mise en garde de la modélisation : le gouvernement fédéral supprimerait les crédits d’impôt remboursables et non remboursables destinés à lutter contre la pauvreté.

Dans l’ensemble, le rapport de M. Giroux estime que plus de 6,4 millions de personnes verraient leur revenu disponible augmenter grâce à ce programme, en moyenne de 49,6 %, tandis que 16,8 millions de plus verraient leur revenu net baisser de 5,4 %.

Le rapport de M. Giroux a également estimé que l’interaction entre les taux marginaux d’imposition, l’élimination des crédits d’impôt et les gains dans le cadre du revenu de base inciterait certains travailleurs à repenser le fait d’accepter des heures de travail supplémentaires, si cela signifiait une perte de revenu en payant plus d’impôts et en recevant moins de prestations.

Le DPB a estimé que dans l’ensemble, les employés réduiraient leurs heures de travail de 1,3 % à l’échelle nationale, ce qui coûterait aux coffres fédéraux entre 3,0 et 3,3 milliards par an, sur une période de cinq ans, en raison de la perte de recettes fiscales.