Le projet d’exportation de gaz naturel de GNL Québec et de Gazoduq pourrait entraîner un manque à gagner de 1,5 milliard pour Hydro-Québec et causer une hausse de tarifs de 2,5 %, selon des groupes environnementaux.

Le gazoduc, qui relierait le nord-est de l’Ontario à l’usine de liquéfaction de gaz naturel projetée à Saguenay, ainsi que le complexe de liquéfaction consommeraient un total de 6 térawattheures (TWh) en électricité, estiment six groupes environnementaux et citoyens.

Ils évaluent que 1 TWh serait nécessaire pour alimenter en électricité les stations de compressions utilisées pour le fonctionnement du gazoduc de 780 kilomètres.

« Il est équivalent à la consommation en énergie d’environ 50 000 maisons chaque année, pendant au moins 25 ans, afin de transporter à travers le Québec du gaz fossile extrait par fracturation hydraulique dans l’Ouest canadien », indiquent les organismes, dans un communiqué signé jeudi par la Coalition fjord, la Coalition anti-pipeline Rouyn-Noranda, Greenpeace Canada, Nature Québec, Équiterre et le Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ).

Cette estimation de 1 TWh pour le gazoduc s’ajoute à la consommation annuelle de 5 TWh évaluée pour l’usine de liquéfaction de gaz naturel par l’Union des consommateurs à la fin février.

Au total, la consommation annuelle d’électricité correspondrait à la consommation de 300 000 maisons pour l’ensemble du projet. Les groupes estiment, à partir des premiers calculs effectués par l’Union des consommateurs, que le manque à gagner cumulatif atteindrait alors 1,5 milliard pour Hydro-Québec pour 2027-2030.

Pour l’année 2030, le manque à gagner serait de près de 380 millions de dollars, ce qui entraînerait une hausse supplémentaire des tarifs d’électricité de 2,5 %, est-il avancé.

Ces calculs sont basés sur l’estimation que la demande en électricité des deux projets ajouterait à un déficit d’approvisionnement en électricité d’Hydro-Québec à partir de 2027, alors que la société d’État devrait se tourner vers des apports additionnels pour répondre à la demande. La mise en activité de l’usine de GNL Québec est prévue en 2026.

Un calcul « hasardeux », selon Hydro-Québec

Tirer des conclusions entre un projet et une augmentation des tarifs est « hasardeux », estime pour sa part Hydro-Québec.

« On n’a pas de confirmation de la consommation anticipée et c’est impossible pour nous de nous prononcer sur l’impact que ça pourrait avoir sur l’ensemble de nos tarifs », a indiqué Cendrix Bouchard, porte-parole pour Hydro-Québec.

« C’est hasardeux en fait de tirer un lien entre un projet, tout projet, et un impact sur nos tarifs », a-t-il ajouté en entrevue.

Le plan d’approvisionnement d’Hydro-Québec est géré par secteur d’activité, ainsi qu’en fonction des perspectives économiques. Les efforts d’efficacité énergétique de la société d’État ont aussi un impact sur l’évolution du plan.

« On ne gère pas le plan d’approvisionnement, qui est sur plusieurs années, et qui est mis à jour annuellement, en prenant un projet à la fois et en l’incluant ou en le retirant », a expliqué M. Bouchard.

Lors de la dernière mise à jour, en octobre, Hydro-Québec prévoyait un ralentissement de la croissance de la demande en électricité jusqu’en 2026, suivi d’une accélération jusqu’en 2029, a-t-il précisé.

Un « impact global désastreux » sur l’environnement

L’utilisation d’électricité pour le projet d’exportation de gaz naturel est un gaspillage, aux yeux des groupes environnementaux.

« Remplacer du gaz de fracturation par de l’hydroélectricité était déjà un non-sens pour l’usine de liquéfaction de GNL Québec », déplore Jean Paradis, responsable des dossiers énergétiques à la Coalition fjord.

« En voulant faire fonctionner ses compresseurs avec notre énergie propre, Gazoduc viendrait en rajouter, cherchant encore ainsi à camoufler l’impact global désastreux de son projet sur l’environnement et le déficit énergétique et écologique de l’utilisation de gaz fossile », ajoute le représentant de l’organisme saguenéen.

Il s’agit d’un argument supplémentaire appelant au rejet du projet par le premier ministre François Legault, estime pour sa part Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie pour Greenpeace.

Gazoduq : pas encore « toutes les données »

Gazoduq a de son côté mentionné ne pas avoir « toutes les données à l’heure actuelle pour quantifier la consommation annuelle » des installations projetées.

« Cette information sera disponible à l’avenir, entre autres une fois que nos travaux d’ingénierie détaillée seront exécutés pour les nouvelles technologies que nous développons », a indiqué l’entreprise qui chapeaute la portion du gazoduc du projet d’exportation de gaz naturel, dans une déclaration transmise au Quotidien.

Les technologies évoquées sont liées au fonctionnement des compresseurs électriques, à l’intégration de composantes utilisant l’intelligence artificielle et à l’apprentissage automatique du système de contrôle, précise-t-on.

Une évaluation de la vérificatrice générale demandée

La députée Ruba Ghazal, responsable en matière d’environnement pour Québec solidaire, a par ailleurs demandé jeudi que la vérificatrice générale du Québec évalue les « coûts réels » du projet de GNL Québec pour Hydro-Québec.

« Est-ce que le ministre [de l’Énergie et des Ressources naturelles] Jonatan Julien est à l’aise à ce que les Québécois soutiennent financièrement un projet polluant aux impacts environnementaux désastreux, alors même qu’il prétendait que le projet de loi 34 baisserait les tarifs d’Hydro ? », a-t-elle questionné, par communiqué.