(Paris) Assommées par la perte des deux tiers de leur trafic passagers en 2020 sous l’effet de la COVID-19, les compagnies aériennes abordent 2021 avec inquiétude, les nouveaux variants du virus, synonymes de fermetures de frontières, risquant de doucher les espoirs d’une reprise rapide.

« L’année dernière a été catastrophique, il n’y a pas d’autre façon de la décrire. Quelle qu’ait été la reprise dans l’hémisphère Nord pendant la saison estivale, celle-ci a calé à l’automne et la situation s’est spectaculairement aggravée » en fin d’année, a constaté le directeur général de l’Association internationale du transport aérien (IATA), Alexandre de Juniac, mercredi dans un communiqué.

La chute de 66 % de la fréquentation, calculée en passager-kilomètre, représente le « plus gros choc que le secteur aérien ait jamais vécu », a renchéri Brian Pearce, économiste en chef de l’IATA, lors d’une visioconférence.

Avec les restrictions aux mouvements décidées pour tenter de maîtriser la pandémie, les liaisons intérieures ont mieux résisté (-48,8 %) que le trafic international (-75,6 %).

Le trafic était tombé en avril à 5 % de son niveau normal, avant de se reprendre pendant l’été, pour ensuite rechuter sous l’effet de nouvelles vagues de contaminations. En décembre, la baisse du trafic sur un an atteignait encore 70 %, tirant la moyenne annuelle vers le bas.

L’IATA, qui regroupe 290 compagnies aériennes dans le monde, a en outre prévenu que les perspectives d’une reprise en 2021 étaient « assombries » par l’émergence de nouveaux variants du virus responsable de la pandémie, sans pour autant formellement réviser à la baisse ses prévisions pour l’année.

Elle table toujours officiellement sur un trafic en hausse de 50 % en 2021 par rapport à 2020. Cela permettrait de retrouver seulement la moitié du trafic de 2019.

Reprise à « plusieurs vitesses »

M. Pearce a aussi évoqué « le risque d’un scénario » encore moins optimiste si les variants du virus conduisaient les gouvernements à maintenir des restrictions où à en décréter de nouvelles : un rebond de seulement 13 % en 2021, qui ne permettrait d’arriver qu’à 38 % du trafic de 2019.

« L’optimisme sur une reprise rapide et ordonnée des voyages aériens dans le monde, né d’une arrivée des vaccins, a été douché par de nouvelles vagues de contaminations et de nouvelles mutations » du virus, a déploré M. de Juniac.

« Les passagers doivent faire face à un ensemble de restrictions en évolution rapide et sans coordination à l’échelle mondiale », a-t-il poursuivi, exhortant les gouvernements à travailler avec le secteur pour établir des critères communs, en vue de faciliter la reprise une fois la menace du virus circonscrite.

M. Pearce a formulé l’espoir de voir le déploiement des vaccins susciter une reprise de la demande d’ici à la fin de l’année. Mais celle-ci sera « à plusieurs vitesses », étant donné le rythme très différent des vaccinations selon les différentes régions du globe, a-t-il prévenu.

Ces craintes font écho à celles manifestées le 15 janvier par l’aviation civile internationale (OACI), agence de l’ONU qui avait évalué à 60 % la chute du nombre de passagers en 2020 et mis en garde contre des perspectives sombres à court terme.

Seule petite lueur pour le secteur en 2020, le transport de fret a mieux résisté que celui des passagers. Son repli, mesuré en tonne par kilomètre, étant limité à 10,6 % par rapport à 2019 selon l’IATA. Il s’agit néanmoins de sa pire chute depuis qu’il a commencé à être mesuré, en 1990.

Le choc de la COVID-19 a eu des conséquences immédiates pour les comptes des compagnies aériennes, dont la rentabilité est suspendue à une utilisation à plein de leurs coûteuses flottes : elles ont subi des pertes cumulées de 370 milliards de dollars américains l’année dernière, selon l’OACI.

Aux États-Unis, Delta Air Lines a perdu 12,4 milliards de dollars, ses concurrentes American Airlines et United respectivement 8,9 et 7,1 milliards. En France, les analystes compilés par Factset s’attendent à voir le groupe Air France-KLM, déjà aidé par les gouvernements français et néerlandais, subir une perte nette de plus de 7 milliards d’euros pour 2020.