Les bouteilles de vin québécois n’ont pas eu le temps de s’empoussiérer sur les rayons depuis le début de la pandémie. Alors que plusieurs vignerons d’ici – dont certains en rupture de stock – affirment avoir fracassé des records de ventes l’an dernier, la SAQ a de son côté connu une hausse de 50 % d’avril à décembre 2020 pour les produits viticoles d’ici. Supermarchés et épiceries fines confirment également cette popularité des bouteilles québécoises.

« Effectivement, j’ai remarqué que c’est un bon analgésique, l’alcool », lance en riant Stéphane Lamarre, copropriétaire du vignoble Château de cartes, pour illustrer l’engouement pour ses produits depuis le début de la pandémie. « On a précipité tout l’embouteillage, et malgré ça, on n’est pas venus à bout [d’assouvir] la soif du Québec. »

Le vigneron de Dunham a produit quelque 58 000 bouteilles en 2020, ce qui correspond à 30 % d’augmentation par rapport à sa production de 2019. Mais cette hausse n’a pas été suffisante pour répondre à la demande puisque le Château de cartes est en rupture de stock depuis septembre, du jamais vu depuis 2010, moment où les propriétaires ont commencé à vendre du vin. L’année 2020 a-t-elle été leur meilleure ? « Oui, chaque année, c’est notre meilleure année, lance M. Lamarre. Nous avons une croissance assez marquée. »

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Le vignoble Château de cartes, dont on voit ici un aperçu des réserves de 2015, a connu sa meilleure année en 2020.

Pour faire face à cet enthousiasme de la part des amateurs de vin, le vigneron a l’intention d’augmenter sa production à 70 000 bouteilles en 2021.

Et je pense que je n’arriverai pas [à répondre à la demande]. Juste avec les commandes faites en prévente en ce moment, j’ai l’impression que je vais manquer de stock.

Stéphane Lamarre, copropriétaire du vignoble Château de cartes

Dans la même région, au vignoble de l’Orpailleur, le cofondateur, Charles-Henri de Coussergues, affirme sans l’ombre d’un doute avoir connu sa meilleure année en 38 ans. « Je voyais une année assez difficile, admet-il en faisant notamment référence à la fermeture des restaurants. [Finalement], c’est l’une de nos bonnes années. C’est ma meilleure », finit-il par ajouter.

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Charles-Henri de Coussergues, cofondateur du vignoble l'Orpailleur

Interrogé au printemps dernier, Charles-Henri de Coussergues se disait en effet inquiet de la fermeture des salles à manger. Sur les 300 000 bouteilles produites annuellement par l’Orpailleur, près de 25 % à 30 % sont destinées aux restaurants. Or, contre toute attente, les ventes à la SAQ et en épicerie ont compensé ces pertes. Au vignoble, les visiteurs ont également été moins nombreux, mais sont repartis avec un plus de bouteilles, observe M. de Coussergues. Ainsi, les ventes totales ont finalement connu une hausse de 15 % par rapport à 2019.

Planter des vignes

Alors que ce n’était pas dans les plans de l’entreprise, l’Orpailleur a finalement décidé d’ajouter quatre hectares de vignes supplémentaires. Actuellement, le vignoble exploite 37 hectares.

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Anne-Marie Lemire et Léon Courville, copropriétaires du vignoble Léon Courville à Lac-Brome

Des vignes seront également plantées à Lac-Brome au vignoble Léon Courville, confirme la copropriétaire, Anne-Marie Lemire, également vice-présidente du Conseil des vins du Québec. « Ça fait déjà plusieurs années qu’on plante chaque année. On a ouvert un nouveau champ il y a trois ans. Cette année, on va planter des cépages qui vont nous permettre de faire plus de vins de la collection cuvée qui ont été très populaires cette année. Définitivement, ça nous encourage à agrandir. »

« On peut dire que les Québécois n’ont pas raté le rendez-vous, ajoute celle dont le vignoble produit 110 000 bouteilles annuellement. Ici, on n’a jamais eu des stocks aussi bas. »

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Louis Denault, copropriétaire du vignoble Sainte-Pétronille et président du Conseil des vins du Québec

Pourquoi les consommateurs ont-ils voulu davantage trinquer avec du vin produit dans la Belle Province ? « Il y a un paquet de facteurs, soutient Louis Denault, président du Conseil des vins du Québec et propriétaire du vignoble Sainte-Pétronille à l’île d’Orléans. C’est l’aboutissement du travail des vignerons. La qualité des vins va toujours en s’améliorant. Et la pandémie a éveillé la conscience des gens d’acheter un peu plus local. » Le Québec compte environ 130 vignerons.

SAQ, supermarchés et épiceries fines

Et cet appel, lancé à maintes reprises par le premier ministre François Legault, s’est fait sentir également jusque sur les rayons de la SAQ et des supermarchés. D’avril à décembre 2020, la société d’État a enregistré une augmentation de 50 % de ses ventes de vins d’ici, confirme la porte-parole, Linda Bouchard.

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À l'instar d'autres enseignes, Metro a noté une hausse de 25 % de ses ventes de vins québécois, pour son année financière allant de septembre 2019 à septembre 2020.

Metro, pour son exercice allant de septembre 2019 à septembre 2020, a pour sa part noté une hausse de 25 %. L’enseigne fait affaire avec 37 vignerons. Du côté d’IGA, on parle de « l’une des meilleures années pour les vins québécois », sans toutefois donner de chiffres pour quantifier cette croissance. L'enseigne achète les produits d’une quinzaine de producteurs.

Certains marchands font aussi directement affaire avec des vignerons à proximité de leur magasin.

Ventes pendant les Fêtes

Par ailleurs, dans les succursales de la société d’État, seulement pour la période des Fêtes – novembre et décembre –, les ventes de vins du Québec ont augmenté de 32 %.

PHOTO PASCAL RATTHÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Des clients patientent devant une succursale de la SAQ à Québec.

Mais le ministre de la Santé, Christian Dubé, qui s’était inquiété en décembre des « commandes très fortes […] à la SAQ », alors que les rassemblements sont toujours interdits, peut pousser un soupir de soulagement. Les ventes totales d’alcool de la SAQ pour la période de Noël sont demeurées relativement stables par rapport à l’an dernier avec une augmentation d’à peine 3 %.

La pandémie a visiblement modifié le comportement d’achat des amateurs de vins. Les ventes effectuées en ligne, pendant ces deux mois, ont augmenté de 127 %.

L'alcool d’ici a la cote à la SAQ

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Petite sélection d'alcools québécois vendus à la SAQ.

+50 % Hausse des ventes des vins québécois depuis le début de la pandémie

+40 % Hausse des ventes de l’ensemble des produits alcoolisés québécois depuis le début de la pandémie

> Les produits québécois qui ont connu les plus fortes hausses de ventes : les coolers (augmentation de 80 %) et les gins (augmentation de 70 %)

> La SAQ fait affaire avec 162 fournisseurs québécois, dont 41 vignerons.

Source : SAQ