Un acteur bien en vue de l’industrie de la construction demande au gouvernement québécois de rembourser les droits de mutation, communément appelés « taxe de bienvenue », aux premiers acheteurs. C’est devenu une question d’équité intergénérationnelle, selon cet organisme.

L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) formule cette recommandation dans le cadre des consultations prébudgétaires menées par le ministère québécois des Finances.

Les droits de mutation s’appliquent quand une maison change de propriétaire. La Ville envoie une facture au nouveau propriétaire. Les droits à payer sont calculés en appliquant un taux sur la valeur la plus élevée entre la valeur marchande de la propriété et la valeur de l’évaluation municipale.

Avant 2018, la première tranche de 50 000 $ était imposée à un taux de 0,5 %. La partie allant de 50 000 $ à 250 000 $ subissait une ponction de 1 %. Au-dessus de 250 000 $, c’est le taux de 1,5 % qui s’appliquait. À compter de 2018, Québec a permis aux villes de créer un échelon supérieur : toute valeur au-dessus de 500 000 $ pourrait désormais être imposée à un taux maximal de 3 %. La plupart des villes ont sauté sur l’occasion, heureuses de pouvoir augmenter leurs recettes fiscales, comme La Presse l’a rapporté dans un dossier publié le 4 octobre dernier.

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Avec l’envolée des prix de l’immobilier – le prix médian des maisons dans la région montréalaise a bondi de plus de 40 % depuis 2019 –, les droits de mutation sont devenus prohibitifs.

Considérons une maison vendue au prix médian dans la région montréalaise. Les droits sont passés de 3261 $, en 2018, à 5817 $, en 2021, une hausse de 78 %, bien supérieure à l’inflation.

La taxe de bienvenue est devenue si onéreuse qu’elle freine l’accession à la propriété. Puisque ce montant ne peut être financé, il s’ajoute aux sommes initiales dont doit disposer l’acheteur. Or, l’accumulation de la mise de fonds minimale est déjà le nœud du problème pour les jeunes ménages.

Paul Cardinal, directeur du Service économique de l’APCHQ, dans un communiqué

L’organisme recommande la mise sur pied d’un programme de remboursement total ou partiel des droits de mutation aux premiers acheteurs. Il fait remarquer que l’Ontario et la Colombie-Britannique, où le prix des maisons est passablement plus élevé qu’au Québec, ont mis en œuvre des programmes de remboursement à l’intention des accédants à la propriété.

Dans la province voisine, on rembourse les droits s’appliquant sur la tranche inférieure à 368 001 $, jusqu’à un maximum de 4000 $. En Colombie-Britannique, le programme rembourse complètement la facture pour les propriétés de 425 000 $ et moins, explique l’APCHQ dans son mémoire destiné aux Finances.

Enjeu générationnel

Pour l’APCHQ, la hausse faramineuse de droits de mutation s’ajoute à d’autres facteurs qui rendront encore plus inabordable le logement à l’avenir. Et c’est la génération des 20 à 45 ans qui en fait les frais.

« L’abordabilité, qui était déjà de plus en plus problématique, se détériore gravement et la remontée des taux hypothécaires ne fera qu’exacerber la situation. C’est une tempête parfaite qui met en péril le rêve de toute une génération de jeunes Québécoises et Québécois de devenir propriétaires. L’APCHQ considère qu’il faut agir dès maintenant pour ne pas creuser davantage l’écart avec les générations qui les ont précédés », soutient Paul Cardinal, dans le même communiqué.

Une tendance inquiétante

L’accès à la propriété est un facteur d’enrichissement des ménages. Il permet aussi d’éviter d’être évincé de son logement par le propriétaire qui veut faire des rénovations. Le Québec a le taux de propriété le plus faible de l’ensemble des provinces.

Il se situe à 61,3 % versus un taux moyen de 67,8 % au Canada (le Québec compris). Au Nouveau-Brunswick, trois ménages sur quatre, 74,4 % pour être précis, sont propriétaires.

Depuis 2011, le taux de propriété chez les ménages de moins de 45 ans au Québec s’est détérioré, reculant de plus de 2 points de pourcentage, souligne l’APCHQ dans son mémoire.

« La détérioration de l’abordabilité au cours des dernières années a donc eu un effet considérable sur la capacité des jeunes ménages à accéder à la propriété. Il y a lieu de se demander si, contrairement aux générations qui les ont précédés, les millénariaux de la classe moyenne ne sont pas condamnés à être locataires », lit-on à la page 11 du mémoire.

Outre le programme de remboursement de la « taxe de bienvenue », l’APCHQ recommande deux autres mesures pour favoriser l’accessibilité au logement. Il suggère la bonification du crédit d’impôt aux premiers acheteurs et la possibilité pour les parents de se servir de leur REER pour financer la mise de fonds à l’achat d’une propriété au nom de leurs enfants.

L’organisme propose aussi des mesures pour stimuler l’offre de logements et pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur de l’habitation.

Consultez le mémoire de l’APCHQ