(Québec) Pour s’attaquer à la pénurie de main-d’œuvre, Québec offrira une nouvelle allocation de 475 $ par semaine aux travailleurs sans emploi qui acceptent de faire un retour aux études dans un secteur ciblé. Le gouvernement Legault a lancé mardi l’« Opération main-d’œuvre », qui s’accompagne de 3,9 milliards d’investissements.

« On doit donner un grand coup », a lancé mardi le premier ministre François Legault lors d’une conférence de presse en compagne du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, et de la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann.

Québec s’est donné comme objectif de requalifier et d’attirer près de 170 000 travailleurs dans six secteurs névralgiques : santé et services sociaux, éducation, services de garde, génie, technologies de l’information et construction. « Il faut combler deux sortes d’emplois : ceux que j’appellerais essentiels et ceux stratégiques », a précisé M. Legault. « Mais il pourrait s’ajouter d’autres secteurs », a-t-il indiqué.

La nouvelle « Opération main-d’œuvre » de son gouvernement s’accompagne de 3,9 milliards en investissements sur cinq ans, dont 2,9 milliards en crédits additionnels. Cette opération donne essentiellement suite aux mesures annoncées lors du mini-budget Girard, la semaine dernière.

C’est beaucoup, beaucoup d’argent parce que c’est une des grandes priorités qu’on a comme société au cours des prochaines années.

François Legault

Élément nouveau, Québec a annoncé mardi la création d’une allocation de 475 $ par semaine « pour les gens qui n’ont pas d’emploi » et qui « acceptent d’aller étudier » dans les six domaines ciblés. « On va leur donner 475 $ par semaine, donc l’équivalent du salaire minimum, pas pour travailler, mais pour aller étudier dans les secteurs où il y a pénurie », a fait valoir le premier ministre.

Le ministre Boulet a parlé d’une mesure « assez exceptionnelle » qui permettra de ne laisser « personne de côté ».

« C’est un soutien de revenu qui va permettre aux personnes par exemple qui gagnent moins sur le chômage que les 475 $ de bénéficier de la différence et de faire des activités de formation ou de requalification », a précisé M. Boulet. « Ça va permettre au Québec de devenir une société apprenante où tout le monde aura une opportunité de se former ou de se requalifier », a-t-il ajouté mardi.

Pour être admissible à cette allocation, il faut avoir quitté l’emploi deux ans auparavant.

Bourses d’études généreuses

À cela s’ajoute un programme généreux de bourses d’études annoncé la semaine dernière. À la fin de leur formation, les étudiants auront touché jusqu’à 9000 $ au collégial, et de 15 000 $ à 20 000 $ à l’université, selon que le programme dure trois ou quatre ans. C’est en sus de l’aide financière aux études.

Les professions admissibles sont celles en lien avec les secteurs ciblés, comme les analystes, les programmeurs, les ingénieurs et technologues en génie, les infirmières cliniciennes et auxiliaires, les inhalothérapeutes, les psychologues, les travailleurs sociaux, les enseignants aux niveaux préscolaire, primaire et secondaire ainsi que les techniciens en éducation spécialisée et les éducatrices en service de garde à l’enfance. Une liste des programmes admissibles sera publiée sous peu, indique-t-on.

Tous les étudiants québécois inscrits à temps plein dans les domaines prioritaires déterminés seront par ailleurs admissibles, qu’ils soient au début, au milieu ou encore à la fin de leur cheminement, et ce, dès la session d’automne 2022, a fait savoir le gouvernement.

Lors de la présentation du mini-budget, certaines associations, comme Manufacturiers et Exportateurs du Québec ainsi que le Conseil du patronat du Québec (CPQ), avaient entre autres reproché au gouvernement Legault de ne pas avoir suffisamment élargi le bassin de travailleurs pour certains domaines du secteur privé.

Mardi, le CPQ s’est réjoui de l’ouverture du gouvernement à élargir ces mesures à d’autres secteurs d’activités. « Il y a plusieurs autres domaines tout aussi importants pour l’économie du Québec et ses régions », a indiqué le président et chef de la direction, Karl Blackburn.

Le CPQ est rassuré de voir le gouvernement mettre autant d’efforts, d’énergie et de sommes dédiées à la pénurie de main-d’œuvre. Il prend les grands moyens, en misant sur la formation et la diplomation des étudiants ainsi que le rehaussement des compétences des travailleurs.

Karl Blackburn, président et chef de la direction du CPQ

De son côté, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante déplore que Québec n’agisse pas suffisamment pour aider les petites entreprises des autres industries en ne ciblant que six secteurs précis. « Québec bloque l’accès à des petites entreprises aux crédits d’impôt pour accueillir des travailleurs expérimentés et éloignés », a souligné le vice-président, François Vincent, sur Twitter.

Québec a aussi annoncé la semaine dernière des mesures pour inciter les retraités, notamment de l’enseignement, des services de garde et des soins infirmiers, à revenir en poste, dont une prime salariale temporaire, jusqu’au 31 mars 2023, ce qui représente environ 3000 $ par année pour une personne dont le revenu de travail est de 40 000 $.

Pour l’heure, le gouvernement Legault n’a pas l’intention de revoir à la hausse les seuils d’immigration pour attirer davantage de main-d’œuvre. « On atteint la limite pour l’instant de la capacité d’intégration au Québec », a souligné le premier ministre. Québec doit accueillir 50 000 immigrants en 2022.

Il y avait quelque 279 000 postes vacants au Québec en septembre, selon Statistique Canada.