Après l’année hors norme qui s’achève, que nous réserve l’économie en 2022 ? Un ralentissement de la croissance effrénée et un taux d’inflation en baisse, quoique plus élevé que celui auquel on est habitués, selon le panel invité par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), qui a lancé jeudi la saison des prévisions.

Reprise convaincante

Devant le même auditoire l’an dernier, les prévisionnistes s’étaient montrés relativement optimistes pour 2021 quant à la relance de l’économie post-pandémie. On parlait alors d’une reprise en V, en U, en L ou en W. « On est passés à travers toutes les lettres de l’alphabet, mais peu de gens pariaient sur une reprise aussi prononcée », constate Martin Lefebvre, vice-président, chef des placements et stratège à la Banque Nationale.

Le retour à la normale est plus lent que prévu, souligne Martin Coiteux, économiste en chef de la Caisse de dépôt et placement du Québec. « La reprise est très convaincante partout dans le monde, mais il faut s’attendre à ce que ça ralentisse », dit-il. Les taux de croissance économique devraient retrouver les niveaux qu’ils avaient avant la pandémie.

L’inflation, temporaire ou non ?

Le risque de remontée de l’inflation discerné dans les prévisions de l’an dernier s’est concrétisé, au point que beaucoup s’en inquiètent. Le boom de la demande de biens, alimenté par la pandémie et la hausse du revenu disponible des Canadiens, se calmera, estiment les experts invités par le CORIM.

Ce qui s’est passé avec le bois d’œuvre, dont le prix a explosé avec la demande des consommateurs confinés et est redescendu quand les activités ont repris leur cours normal, en est le meilleur exemple, estime Martin Lefebvre.

L’offre et la demande se rééquilibreront, croit aussi Jimmy Jean, économiste en chef et stratège chez Desjardins, qui estime que l’hystérie ambiante au sujet de l’inflation n’a pas sa raison d’être. Il donne l’exemple de la pénurie actuelle de semi-conducteurs, qui suscite des investissements massifs en Europe et aux États-Unis pour augmenter la production. Éventuellement, « on va nager dans les semi-conducteurs », illustre-t-il.

Commerce mondial résilient

En raison des problèmes d’approvisionnement en biens essentiels apparus pendant la pandémie, beaucoup de pays ont résolu de rapatrier certaines activités de fabrication. Le problème n’était pas les chaînes d’approvisionnement, qui se sont avérées résilientes, mais le fait que le monde entier voulait acheter la même chose, soit des équipements de protection individuelle, estime Marie-France Paquet, économiste en chef d’Affaires mondiales Canada.

Les problèmes qui persistent dans les chaînes d’approvisionnement devraient se résorber et doivent être mis en perspective, selon elle. « Si mes décorations de Noël n’arrivent pas chez Canadian Tire, ce n’est pas la même chose que si les produits chimiques attendus par une usine l’empêchent de fonctionner », relative-t-elle.

Elle ne croit pas que beaucoup d’entreprises rapatrieront des activités qui ont été délocalisées pour toutes sortes de raisons, dont les coûts de fabrication.

S’attaquer à la pénurie de main-d’œuvre

La pandémie a rendu la pénurie de main-d’œuvre encore plus aiguë, notamment au Québec, où « c’est l’enjeu numéro un », selon l’économiste de Desjardins. La crise a incité beaucoup de travailleurs de 55 ans et plus à prendre leur retraite, ce qui aggrave le problème, selon lui.

C’est aussi l’avis de Martin Lefebvre, qui souligne que les 55 ans et plus ont vu leur valeur nette augmenter pendant la pandémie, tant l’immobilier que leurs autres actifs, ce qui les a encouragés à prendre leur retraite.

Il y a 871 000 postes vacants au Canada et 400 000 chômeurs de longue durée, souligne Jimmy Jean. Les programmes gouvernementaux qui tentent de recycler la main-d’œuvre vers les emplois les plus demandés sont tellement nombreux qu’il est difficile de s’y retrouver, dit-il. « Il y a un effort à faire pour rendre ça plus attrayant. »

L’adaptation des politiques publiques à la réalité de la rareté de la main-d’œuvre est un long processus, souligne Martin Coiteux, qui précise que les gouvernements s’efforçaient encore de créer des emplois il n’y a pas si longtemps.

« Au cours de la dernière campagne électorale fédérale encore, on a promis de créer 1 million d’emplois », a renchéri Mia Homsy, présidente-directrice générale de l’Institut du Québec, qui agissait comme modératrice du débat.

Dettes publiques ? Pas de problème !

Faut-il s’inquiéter des dettes énormes que les gouvernements ont contractées pour atténuer l’impact de la crise sanitaire ? Martin Coiteux pense qu’il faut s’en inquiéter, mais un peu seulement. « À moins d’un dérapage de l’inflation, les taux d’intérêt devraient rester bas, ce qui donne l’occasion au gouvernement de bien faire les choses », estime l’économiste de la Caisse de dépôt.

Martin Lefebvre, de la Banque Nationale, ne s’inquiète pas du niveau actuel de la dette publique, qui diminuera à mesure que l’économie croîtra. « Les gouvernements ne profiteront pas de la reprise économique pour réduire leur dette. Ça n’arrivera pas », a-t-il affirmé.

L’important n’est pas le volume des dépenses publiques, mais ce qu’on fait avec cet argent, précise Martin Coiteux. Les fonds publics doivent maintenant être redirigés vers la transition énergétique et l’augmentation de la productivité.