(Ottawa) Des documents nouvellement rendus publics montrent que les libéraux ont été avisés, plus tôt cette année, que la tentative du gouvernement de bloquer des taux d’intérêt de la dette fédérale à leur faible niveau pourrait se heurter à des problèmes à moins que la Banque du Canada n’intervienne.

La faiblesse des taux a été une justification économique clé pour les dépenses élevées et les déficits mis en place par le gouvernement pour soutenir financièrement les entreprises et les travailleurs touchés par la pandémie de COVID-19.

Bien que les obligations à plus long terme portent des taux d’intérêt plus élevés que les options à court terme, elles permettent de bloquer les taux d’intérêt de la dette à leur niveau, qui reste très faible.

Les documents fournis à la ministre des Finances, Chrystia Freeland, avant son budget d’avril indiquent que le ministère des Finances et la Banque du Canada ont été priés d’éviter d’émettre toute nouvelle obligation à très long terme en raison de l’appétit limité des investisseurs.

Les documents obtenus par La Presse Canadienne en vertu de la Loi sur l’accès à l’information indiquent que de telles obligations pourraient affecter les rendements à moins que la banque centrale ne résorbe la dette par l’entremise de son programme d’achats obligataires, connu sous le nom d’assouplissement quantitatif.

« La demande d’obligations à plus long terme est limitée et il y a peu d’espace pour en émettre davantage sans affecter les rendements, à moins que la Banque du Canada ne continue d’acheter la plupart des émissions de dette plus élevées par l’entremise de son programme d’assouplissement quantitatif », peut-on lire dans une partie des documents.

Le gouvernement a offert des obligations à 50 ans une fois cette année et la vente semble s’être bien déroulée, même si la Banque du Canada a ralenti la cadence de ses achats d’obligations.

Lorsque la banque centrale réduit ses achats, la demande pour les obligations fédérales chute et les taux augmentent. Cela pourrait affecter les coûts de refinancement pour le gouvernement fédéral lorsque les milliards de dollars de dettes arriveront à échéance.

« Il y a quelques signaux rouges, mais le gouvernement peut se permettre d’avoir ces déficits parce que les coûts du service de la dette sont incroyablement bas », a affirmé Steve Ambler, économiste à l’Université du Québec à Montréal.

« Nous avons vu les taux d’intérêt réels dans le monde baisser progressivement et ils sont à des niveaux très, très bas en ce moment. »

Les acheteurs peuvent hésiter à acheter des obligations arrivant à échéance dans 30 ans lorsqu’une hausse des taux est imminente, puisque la valeur de revente de ces titres est moindre, a expliqué M. Ambler, qui est également un spécialiste de la politique monétaire pour l’Institut C. D. Howe.

Les rendements obligataires ont récemment augmenté après que la banque centrale américaine, la Réserve fédérale, a indiqué le mois dernier qu’elle était prête à réduire son programme d’assouplissement quantitatif.

« Peu importe les prévisions, il pourrait devenir plus cher d’emprunter, mais je ne pense pas que le fait que la courbe des rendements soit plus prononcée […] signifie qu’il faut changer de stratégie », a affirmé l’économiste Dominique Lapointe, de Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

La note d’information de mars à l’intention de Mme Freeland a indiqué que les taux resteraient bas jusqu’en 2023, puis augmenteraient progressivement, avant d’ajouter que « les taux ont tendance à baisser depuis un certain temps » à côté d’un graphique montrant que leur trajectoire est inférieure aux attentes des économistes depuis des années.

La trajectoire des taux d’intérêt est une incertitude à laquelle le gouvernement est confronté dans le cadre de son processus budgétaire, a noté Christopher Ragan, directeur de la Max Bell School of Public Policy de l’Université McGill. L’autre, a-t-il poursuivi, est la durée des programmes d’aide.

« Il ne fait aucun doute que les budgets de nos jours sont confrontés à plus d’incertitude que les budgets normaux », a affirmé M. Ragan. « Il n’est possible de rien faire à ce sujet, mais je crois qu’il faut reconnaître les incertitudes. »

Les libéraux ont été priés de prolonger les subventions pour les salaires et les loyers des entreprises, et la prestation de la relance économique pour les chômeurs, au-delà de leur date de fin actuelle du 23 octobre.

Mme Freeland a indiqué mercredi que le gouvernement examinait la demande et que plus de détails seraient bientôt divulgués.

« Alors que certains secteurs de l’économie se redressent très vigoureusement, et c’est formidable, certains secteurs ont été et continuent d’être particulièrement touchés », a-t-elle affirmé lors d’une conférence de presse.

« Nous travaillons sur des moyens de nous assurer que le soutien est là pour eux. »