On prévoit la disparition du papier depuis des années, mais il n’a pas encore dit son dernier mot. Les changements dans les habitudes de consommation et les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement dus à la pandémie entraînent des pénuries de certains types de papier.

C’est le cas du carton d’emballage, dont la demande a explosé en même temps que le commerce en ligne et le virage des restaurants vers la livraison et le prêt-à-emporter.

C’est fou, constate Marc-André Pépin, dont l’entreprise, Les emballages Box Pack, fabrique des boîtes et des emballages de carton à Saint-Germain-de-Grantham.

« On a vu arriver beaucoup de nouveaux clients avec la pandémie », précise-t-il lors d’un entretien avec La Presse. Il y a les restaurants, qui se sont tournés vers la livraison et le prêt-à-emporter, mais aussi de nouveaux fabricants de gels et de produits liés à la pandémie qui ont soudainement eu besoin d’emballages.

« En plus de tous ceux qui ont eu une idée et se sont lancés dans la vente en ligne », résume-t-il.

Résultat, les délais de livraison se sont allongés, parce que Box Pack devait elle-même attendre plus longtemps pour s’approvisionner en carton. « Ce n’est pas qu’il manque de pâte ou de papier, c’est que les usines n’ont pas assez de capacité pour les transformer », explique-t-il.

Cascades investit

Ce que confirme Cascades, l’un des plus gros fabricants de produits d’emballage en Amérique du Nord. « Nos usines tournent à plein régime et des investissements sont en cours pour augmenter notre capacité de production », dit Hugo d’Amours, vice-président aux communications de l’entreprise.

Cascades, qui compte parmi ses clients le fournisseur de boîtes-repas Goodfood, investit actuellement 380 millions US en Virginie pour convertir une usine de papier journal acquise de White Birch afin d’y fabriquer du carton-caisse.

Cette usine mettra 465 000 tonnes supplémentaires de carton sur le marché, mais il faudra attendre 2025 avant qu’elle atteigne sa pleine capacité de production.

L’ajustement entre l’offre et la demande ne se fait pas du jour au lendemain, souligne Marc-André Pépin, de Box Pack, qui s’attend à devoir gérer des approvisionnements serrés jusqu’en 2023.

Des éditeurs sur les dents

Les éditeurs de livres et de publications en tous genres vivent aussi des problèmes d’approvisionnement pour certaines catégories de papier.

« On essaie d’utiliser toujours le même type de papier, dit Philippe Gendreau, directeur général adjoint des Éditions Boréal, mais comme c’est plus difficile d’en avoir actuellement, on utilise du papier de substitution. »

Dans le cas des papiers d’impression, le problème se trouve plutôt du côté du recyclage. Comme les bureaux se sont vidés et que leurs imprimantes se sont arrêtées, la source de papier de qualité qui sert de matière première au papier recyclé et écolo recherché par les éditeurs s’est tarie.

Les employés de bureau qui travaillent à la maison impriment beaucoup moins de documents, et le papier qu’ils utilisent prend le chemin du recyclage en vrac, dont le contenu n’est pas d’assez bonne qualité pour être recyclé pour l’impression.

L’imprimeur TC Transcontinental confirme lui aussi que l’approvisionnement en papier recyclé est devenu de plus en plus difficile.

Chez Boréal, on identifie d’autres problèmes qui expliquent la rareté de papier. « La demande a augmenté et il y a des enjeux de main-d’œuvre chez les producteurs de papier, comme partout ailleurs », note Philippe Gendreau.

L’éditeur a réussi jusqu’à maintenant à composer avec sa nouvelle réalité. Les délais d’impression s’allongent, mais les livres arrivent sur le marché.

« On finit par avoir du papier et on n’a pas eu de rupture de stock », dit son directeur général.

Des prix en hausse

La forte demande de certains produits du papier, couplée aux problèmes dans la chaîne d’approvisionnement dus à la COVID-19, entraîne une hausse des prix, une augmentation qui varie d’un produit à l’autre.

Sur le marché nord-américain, la hausse récente des prix de la pâte et du papier n’a aucune commune mesure avec celle du prix du bois d’œuvre. Le prix de la pâte de bois, qui sert de base à la fabrication de papiers et de cartons, était en hausse de 38 % à la fin du deuxième trimestre de 2021, par rapport à la même période l’an dernier, selon Ressources naturelles Canada.

Quant au prix des papiers de récupération, il n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant la pandémie.

Les difficultés d’approvisionnement en papier ne sont pas généralisées. Le papier journal, lui, continue de souffrir d’un déclin qui semble inexorable et son prix est à peine plus élevé qu’avant la pandémie.

Chez TC Transcontinental, le papier le plus utilisé est le papier journal, qui sert à l’impression des journaux et des circulaires, précise Rosianne Tessier, conseillère en marketing de l’entreprise, en réponse à nos questions.

Pandémie ou pas, la demande de papier journal baisse de 10 % par année en Amérique du Nord, selon Résolu, le premier producteur en Amérique du Nord, et les prix peinent à se maintenir.

« Nous avons deux usines de papier journal, à Amos et à Baie-Comeau, qui sont fermées pour une période indéterminée », rappelle Louis Bouchard, directeur principal, Affaires publiques et gouvernementales.

En 2011, le papier journal générait 76 % des revenus de Résolu. Dix ans plus tard, cette part a fondu à 26 % et cette production ne contribue plus aux profits de l’entreprise.