Même si les prix d’à peu près tout ce qu’on achète augmentent et que le taux d’inflation est à son niveau le plus élevé depuis 10 ans, le coût de la vie n’occupe pas une place importante dans les programmes électoraux des principaux partis fédéraux.

En fait, seul le Nouveau Parti démocratique (NPD) y consacre expressément un chapitre de son programme. « Mettons un terme à la flambée des prix et veillons à ce que les jeunes puissent vivre décemment », affirme le parti de Jagmeet Singh.

Pour y parvenir, il propose notamment d’imposer un plafond aux tarifs de téléphonie cellulaire et internet, qui sont devenus des services essentiels pour les familles. Le NPD veut aussi éliminer les intérêts sur les dettes d’études et effacer une partie des emprunts contractés par les étudiants.

Le Parti conservateur propose lui aussi de réduire la facture de télécommunications des Canadiens. Pour Erin O’Toole, il n’est toutefois pas question d’imposer un plafond tarifaire aux fournisseurs de services. Il veut plutôt ouvrir le marché canadien aux entreprises étrangères pour accroître la concurrence et réduire le coût des services.

La hausse du coût des aliments est abordée dans la plateforme conservatrice, qui suggère de la contrer en augmentant les amendes pour fixation des prix et en adoptant un code de conduite pour protéger les fournisseurs des géants de l’alimentation.

Pour aider les familles à joindre les deux bouts, les conservateurs proposent aussi un congé de taxe sur les produits et services (TPS) pendant un mois à l’automne, à temps pour les achats des Fêtes.

Beaucoup d’économistes croient que le gouvernement sortant, qui a dépensé sans compter pour atténuer les effets de la crise de la COVID-19 sur l’économie, a contribué à ressusciter l’inflation au pays. Le plan élaboré et chiffré rendu public la semaine dernière par le Parti libéral compte 96 pages, dans lesquelles les mots « inflation » ou « coût de la vie » n’apparaissent pas.

Justin Trudeau s’attaque toutefois à la flambée du prix des maisons et à l’augmentation du coût du logement, qui sont les éléments parmi les plus médiatisés de la hausse généralisée des prix.

Les libéraux proposent une série de mesures pour faciliter l’accès à la propriété, décourager les « rénovictions » et imposer les opérations de vente-achat (flips).

Sa mesure la plus importante pour aider les familles à faire face à la hausse du coût de la vie est l’instauration des garderies à 10 $ par jour, une mesure déjà annoncée qui ne s’applique pas au Québec, qui a son propre réseau public de garderies à bas coût.

Impuissant et dépendant

La remontée de l’inflation est une préoccupation grandissante pour les Canadiens, mais l’économiste Stephen Gordon ne s’étonne pas qu’il en soit très peu question dans le débat électoral.

« Il n’y a pas grand-chose qu’un gouvernement peut faire pour contrer l’inflation », explique le professeur de l’Université Laval. Il rappelle que l’inflation est une hausse généralisée et durable des prix de tous les biens et services, et pas seulement une flambée de certains produits qui peut s’expliquer par la pandémie, de mauvaises récoltes ou d’autres facteurs temporaires.

« L’inflation, c’est le domaine de la Banque du Canada, qui a les outils pour ça », affirme-t-il.

Le niveau d’inflation est peut-être plus inquiétant que jamais, mais ce n’est pas le sujet de l’heure, constate de son côté Yves St-Maurice, économiste et spécialiste des politiques publiques. « Il en est question indirectement, avec ce qui se passe sur le marché immobilier, mais les moyens du gouvernement sont extrêmement limités, dit-il. Je ne m’attendais pas à ce qu’on en parle. »

Quand Statistique Canada a publié l’Indice des prix à la consommation de juillet, qui affiche son niveau le plus élevé depuis 10 ans, à 3,7 %, la question de l’inflation a brièvement dominé l’actualité de la campagne. Interrogé sur la possibilité de permettre à la Banque du Canada de tolérer un taux d’inflation plus élevé que sa cible de 2 %, le premier ministre Justin Trudeau a répondu qu’il ne s’intéressait pas à la politique monétaire, ce qui en a fait sourciller plus d’un.

C’est vrai que ce n’est pas le rôle du gouvernement de contrôler l’inflation, mais celui de la Banque du Canada, réitère Yves St-Maurice. Selon lui, la plupart des électeurs comprennent ça. « Il y a une séparation des pouvoirs », souligne-t-il.

Stephen Gordon, pour sa part, aimerait qu’on discute davantage d’inflation pendant cette campagne électorale, alors que le mandat actuel de la Banque du Canada tire à sa fin et doit être renouvelé avant la fin de l’année.

« Il faut réfléchir un peu là-dessus, même si c’est seulement une fois par cinq ans, estime-t-il. Tout le monde comprend ce qu’est l’inflation et pourquoi c’est une mauvaise chose. »

La Banque du Canada mène la politique monétaire de façon indépendante, mais son mandat d’une durée de cinq ans est établi en consultation avec le gouvernement fédéral.

Le renouvellement du mandat de la Banque du Canada sera une des premières décisions importantes du prochain gouvernement.

2 %

Depuis 30 ans, le maintien d’un taux d’inflation stable guide la politique monétaire de la Banque du Canada, qui cible une augmentation de l’Indice des prix à la consommation entre 1 % et 3 %.