(Francfort) La Banque centrale européenne a reconduit jeudi sa potion anti-crise pour accompagner l’embellie économique attendue après la pandémie, alors que les interrogations grandissent sur l’avenir de cette généreuse politique monétaire dans un contexte de retour de l’inflation.

Comme attendu, l’institution présidée par Christine Lagarde, qui a réuni son conseil des gouverneurs, a décidé de conserver un rythme élevé d’achats de dettes publiques et privées.

La BCE veut ainsi garantir des taux d’intérêt bas pour les ménages et entreprises afin de soutenir la relance de l’activité avec la sortie espérée de la pandémie de COVID-19.

Ces achats d’actifs s’inscrivent dans le cadre de son plan d’urgence (PEPP) lancé au début de la crise sanitaire avec une enveloppe de 1850 milliards de dollars, et de son programme plus ancien d’assouplissement quantitatif (QE).

L’institut va procéder à des achats à un rythme « nettement » plus élevé que la moyenne cet été, après l’avoir fait de manière « significativement » plus élevée depuis mars, afin de contrer les tensions sur les taux obligataires, selon le communiqué publié après la réunion.

Les taux directeurs à court terme de la BCE, campant depuis septembre 2019 au plus bas, vont rester, selon la formule d’usage, « à leurs niveaux actuels ou à des niveaux plus bas ».

Dernière « danse des colombes »

Christine Lagarde a rappelé début juin l’engagement de la BCE à maintenir des « conditions de financement favorables » jusqu’à la reprise durable de l’économie.

La Française se range ainsi du côté des « colombes », majoritaires au conseil des gouverneurs de la BCE, adeptes d’un large soutien à l’économie, par rapport aux « faucons » préférant une politique monétaire restrictive.

Aussi, les marchés financiers seront attentifs pendant la conférence de presse de la présidente, à partir de 12 h 30 GMT,  à toute déclaration qui pourrait suggérer un changement de cap progressif à compter de septembre.

La réunion de jeudi était peut-être « la dernière danse des colombes », selon Holger Schmieding, économiste chez Berenberg.

Avec le retour attendue de la croissance et celui de l’inflation, les « faucons » partisans de l’orthodoxie monétaire, issus principalement des pays du nord de la zone euro, ont « aujourd’hui les meilleurs arguments » pour réduire la voilure sur les rachats de dette, avance Friedrich Heinemann, économiste à l’institut allemand ZEW.  

La BCE pourrait faire dépendre cette évolution d’indices sur les données économiques, les conditions de financement voir l’évolution de la situation sanitaire.

Prévisions relevées

La BCE doit encore dévoiler jeudi un jeu actualisé de projections économiques à l’horizon 2023.  

Concernant la croissance, un relèvement de la prévision est attendu au moins pour 2021, sur fond de rebond du climat des affaires qui préfigure une accélération de la reprise dans la seconde partie d’année.

L’activité serait même déjà plus forte sans des retards importants dans les chaînes d’approvisionnement et des difficultés à redémarrer certaines usines  pour répondre à la demande.

Le taux d’inflation de la zone euro, également tiré par la flambée des prix de l’énergie, a atteint en mai 2 % sur un an, plus vite que la BCE ne l’avait prévu.

Les observateurs s’attendent par conséquent à un relèvement de la prévision d’inflation en 2021, actuellement à 1,5 %. Pour la suite, le courbe des prix devrait rester sous la cible d’une hausse « inférieure mais proche de 2 % ».

La BCE voit dans la hausse actuelle des prix un phénomène temporaire n’appelant pas de riposte monétaire. De récentes interventions publiques de ses dirigeants ont permis de calmer les tensions sur les taux de la dette souveraine.  

Ces tensions pourraient vite réapparaître si la BCE surprend par des propos présageant d’un resserrement plus rapide qu’attendu de sa politique ultra-accommodante.