(Londres) Le ministre des Finances irlandais Paschal Donohoe a déclaré mardi que l’Irlande n’avait pas l’intention d’augmenter son taux d’imposition sur les sociétés, l’un des plus bas au monde, rejetant le projet du président américain Joe Biden de fixer un taux d’imposition mondial d’« au moins » 15 %.  

« Nous avons des réserves vraiment importantes concernant un taux d’imposition minimum mondial à un niveau tel que cela signifierait que seuls certains pays et certaines grandes économies pourront bénéficier de cette base », a dit à la chaîne Sky News le ministre dont le pays applique un taux de 12,5 %.

La verte Irlande, havre fiscal international

L’Irlande ne fait pas partie du G7. Mais le pays, qui applique un taux de 12,5 % et attire ainsi de nombreuses grandes entreprises du monde entier, est un acteur-clé dans les discussions qui se déroulent sous l’égide de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE).

La semaine dernière, la présidente de la Fed Janet Yellen avait souligné que 15 % était « un plancher » et que les discussions allaient se poursuivre avec l’objectif d’être « ambitieux » et « d’augmenter ce taux ».

C’est la première fois que Washington proposait formellement un taux.

Au sein du G7-qui regroupe l’Allemagne, le Canada, les États-Unis, la France, l’Italie, le Japon, et le Royaume-Uni-Paris et Berlin ont immédiatement apporté leur soutien à cette proposition estimant que 15 % était un bon compromis.

Un Conseil économique et financier franco-allemand (CEFFA) se tiendra mercredi. Et les ministres des Finances français Bruno Le Maire et allemand Olaf Scholz, devraient évoquer entre autres ce dossier.

Le FMI appuie le taux minimal

Cette douche froide survient le jour même où le Fonds monétaire international avait applaudi mardi en matinée la proposition américaine de cette taxe minimum, soulignant que cela devait permettre aux pays d’investir davantage dans des domaines essentiels comme l’éducation, la santé ou les infrastructures.

« Il y avait une proposition pour une taxe allant jusqu’à un taux de 21 %. Le chiffre devrait être un peu plus faible que cela », a estimé Kristalina Georgieva, la directrice générale du Fonds monétaire international lors d’une conversation avec le Washington Post.  

PHOTO LUDOVIC MARIN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, lors d’une conférence de presse à Paris le 18 mai 2021.

Mais tout taux supérieur à l’imposition actuelle, qui dans de nombreux pays s’élève à « 10 % ou même moins, sera bénéfique », a-t-elle ajouté.

Pour l’éducation, la santé et les infrastructures

Elle a rappelé que le FMI est favorable depuis longtemps à une telle imposition à l’échelle mondiale.

Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas de nivellement par le bas et moins de course à l’évasion fiscale, ceci signifie plus d’argent dans les caisses des États pour investir dans l’éducation et la santé, les infrastructures, le secteur numérique, tous les domaines utiles […] dans lesquels nous devons investir davantage.

Kristalina Georgieva, directrice générale du Fonds monétaire international

La patronne du FMI a toutefois reconnu que l’imposition d’une telle taxe était particulièrement complexe puisqu’il s’agit de trouver un consensus sur « le point idéal », celui qui est bénéfique à l’économie mondiale tout en étant satisfaisant pour les autorités fiscales de chaque pays.

L'Irlande veut rester à 12,5 %

Selon la chaîne Sky News, M. Donohoe a prédit que le pays maintiendrait son taux d’imposition des sociétés à 12,5 % pendant de nombreuses années encore.

Des négociations sont en cours à l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), à l’initiative de Washington, afin de mettre en place un taux d’imposition sur les bénéfices des multinationales qui soit harmonisé dans les différents pays.

La réforme vise à mettre fin à la concurrence fiscale entre les pays.

Le projet porté par l’administration Biden intervient alors que le président des États-Unis cherche à relever sa fiscalité des entreprises afin de financer un plan massif d’investissements.

L’OCDE, qui regroupe 36 pays dont l’Irlande, souhaitait jusqu’ici obtenir un accord de principe global lors du G20 Finances des 9 et 10 juillet, puis lors d’une réunion finale en octobre.

Donald Trump avait bloqué cette idée

L’idée d’une taxe mondiale sur les bénéfices des multinationales est ancienne, avec un premier accord pour lancer une telle initiative annoncé en 2015 à Lima par l’Organisation pour la coopération et le développement économiques lors des réunions d’automne du FMI.

Les discussions continuent de se dérouler sous l’égide de l’OCDE.

L’administration Trump avait bloqué le processus.  

La nouvelle administration démocrate semble vouloir donner un coup d’accélérateur aux discussions. Et, la semaine dernière, la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen a annoncé soutenir un taux d’au moins 15 %.

Cette taxe devrait être évoquée cette semaine et la semaine prochaine à l’occasion de réunions des ministres des Finances.

Mme Georgieva a souligné mardi la complexité du dossier, car une fois le taux approprié déterminé, il restera encore à l’appliquer et à collecter l’argent.  

« Nous devons soutenir les marchés des pays en développement pour renforcer leur administration fiscale, car avoir un taux d’imposition sans recouvrement ne résout pas le problème des finances publiques », a-t-elle commenté.

La dirigeante du FMI a par ailleurs souligné que dans la réforme de la fiscalité internationale des autres entreprises, le volet relatif aux géants du numérique était tout aussi important.

Selon elle, instaurer une fiscalité au niveau mondial dans ce secteur s’avèrera « plus efficace », et sera « une impulsion positive pour la croissance » et « pour lutter contre les inégalités ».

Les GAFAM dans le collimateur

La réforme de l’OCDE prévoit de moduler l’impôt sur les sociétés en fonction des bénéfices réalisés dans chaque pays, indépendamment de leur établissement fiscal.

Ce deuxième point vise en particulier les géants américains dont Google, Amazon, Facebook et Apple, qui paient des impôts souvent sans rapport avec les revenus et les profits qu’ils dégagent localement.

L’OCDE souhaite obtenir un accord lors du G20 Finance des 9 et 10 juillet.