(Washington) Sera-t-il bientôt temps pour la Banque centrale américaine (Fed) de réfléchir à réduire son soutien à l’économie ? Son président Jerome Powell martèle que le moment n’est pas encore venu, mais plusieurs responsables de l’institution ont lancé le débat lors de la dernière réunion monétaire.

« Un certain nombre de participants ont estimé que si l’économie continuait de progresser rapidement […], il serait peut-être opportun, à un moment donné lors des prochaines réunions, de commencer à discuter d’un plan pour ajuster le rythme des achats d’actifs », détaillent les minutes de la réunion des 27 et 28 avril.

C’est la première fois depuis la crise provoquée par la pandémie que les responsables de la puissante Réserve fédérale envisagent de réduire le soutien à l’économie, si celle-ci se redresse durablement, pour éviter une surchauffe.

« D’autres participants ont dit qu’il n’était pas encore temps, mais le simple fait que cela figure dans les minutes a capté l’attention du marché », explique Quincy Krosby, de Prudential Financial.

« Le marché est très sensible à tout changement lié au fait que la Fed pourrait envisager de discuter » de resserrer sa politique, a-t-elle ajouté.

Aucune échéance précise n’est évoquée, mais « le programme pourrait être formellement présenté en août » lors de la conférence annuelle des Banques centrales, « et les réductions pourraient commencer début 2022 », anticipent les analystes d’Oxford Economics.

Après cette publication, Wall Street a conclu en baisse modérée, et le dollar a repris un peu de vigueur face à l’euro.

Les prix grimpent

La crainte est que l’inflation s’emballe. Les messages rassurants de Jerome Powell, sur le caractère « temporaire » de cette hausse des prix, n’ont pas réussi à apaiser les craintes.

La plupart des responsables de la Fed ne la voient pas durer dans le temps, mais pour d’autres, « dans certains secteurs, les perturbations de la chaîne d’approvisionnement (semblent) durer plus que prévu », selon les minutes.

Plusieurs facteurs font grimper les prix aux États-Unis : les difficultés mondiales d’approvisionnement, la pénurie de puces électroniques, mais aussi le niveau élevé d’épargne des Américains qui soutient une forte demande liée à la réouverture.

La Fed souligne que « les goulets d’étranglements de la chaîne d’approvisionnement et les mises à l’arrêt de chaînes de production pourraient ne pas être résolus rapidement », faisant grimper les prix au-delà de 2021.

« Certains participants ont mentionné les risques d’une inflation trop forte […] si les facteurs temporaires (l’)influençant se révélaient plus durables que prévu », détaille le texte.

Il sera peut-être trop tard

Lors de la conférence de presse suivant la réunion du comité monétaire, Jerome Powell avait estimé prématuré de songer à resserrer la politique monétaire.

Il veut que l’inflation ait dépassé pendant « un certain temps » l’objectif de 2 % de la Fed et un retour au plein emploi pour toutes les catégories de personnes.

La Fed avait adopté en août dernier un nouveau cadre : auparavant, elle aurait relevé ses taux dès que l’inflation aurait atteint la cible de 2 %.

Ce changement représentait, certes, « une réponse raisonnable » à l’absence de croissance pendant la crise provoquée par la COVID-19, mais il n’est plus adapté à une économie américaine stimulée par le dernier plan de relance économique, avait affirmé mardi Larry Summers, ancien secrétaire au Trésor de Bill Clinton et principal conseiller économique de Barack Obama.

Il avait lancé l’alerte en février, sur ce plan de relance-qui avait finalement été adopté en mars-susceptible, selon lui, de déclencher « des pressions inflationnistes inédites depuis une génération ».

L’inflation a grimpé en avril à son rythme le plus élevé depuis 2008, à 4,2 % sur un an, selon l’indice CPI. La Fed utilise une mesure, l’indice PCE, dont le chiffre pour avril sera publié le 28 mai.

Quant à l’emploi, les chiffres d’avril ont été très décevants, puisque seuls 266 000 emplois ont été créés, loin du million attendu.

Pas question d’agir sur des prévisions économiques, mais sur des progrès tangibles, rappelle régulièrement Jerome Powell.

Il sera alors peut-être trop tard, ont averti « quelques » responsables de la Fed.

Les achats de bons du Trésor et autres actifs s’élèvent actuellement à 120 milliards de dollars par mois. Les taux d’intérêts sont actuellement compris dans une fourchette de 0 % à 0,25 %.