(Berlin) L’Agence internationale de l’énergie déclare qu’une action immédiate est nécessaire pour remodeler le secteur énergétique mondial afin d’atteindre les objectifs climatiques ambitieux d’ici 2050, y compris la fin des investissements dans de nouvelles mines de charbon ou des puits de pétrole et de gaz.

Dans un rapport publié mardi, l’agence de l’OCDE, longtemps considérée comme proche de l’industrie des combustibles fossiles, conclut qu’il existe une voie étroite, mais viable pour se doter d’un secteur énergétique mondial avec émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) nulles d’ici 2050.

Plusieurs pays, dont les États-Unis et l’Union européenne, se sont engagés à atteindre d’ici 2050 des émissions nettes de GES « nulles » — ce qui signifie qu’on rejette autant de GES dans l’atmosphère qu’il soit possible d’en absorber. Le secteur de l’énergie est particulièrement important pour cet effort mondial, car il représente 90 % des émissions de dioxyde de carbone dans le monde et les trois quarts du total des GES d’origine humaine rejetés dans l’atmosphère.

Le rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) intervient alors que les gouvernements discutent de ce que les pays peuvent faire pour atteindre l’objectif de l’accord de Paris de 2015 : maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 degré d’ici la fin du siècle par rapport à l’ère préindustrielle. La planète s’est déjà réchauffée de 1,2 °C depuis la fin du XIXe siècle, et les dirigeants devraient faire un effort concerté pour obtenir de nouveaux engagements de réduction des émissions avant les pourparlers de l’ONU sur le climat, en novembre prochain.

Le rapport de l’AIE définit 400 étapes nécessaires pour transformer la façon dont l’énergie est produite, transportée et utilisée. On évoque notamment la fin des investissements dans de nouveaux projets d’approvisionnement en combustibles fossiles, la fin de la vente de nouvelles voitures particulières à moteur à combustion interne d’ici 2035, et une multiplication par quatre du déploiement de l’énergie solaire et éolienne d’ici 2030 par rapport au niveau record de l’année dernière.

Les désirs et la réalité

Le directeur général de l’AIE, Fatih Birol, a déclaré que la transformation créerait des millions de nouveaux emplois et stimulerait la croissance économique dans le monde. Mais il a aussi admis que si les pays et les entreprises ont commencé à fixer des objectifs audacieux de réduction des émissions de gaz carbonique et d’autres GES dans les décennies à venir, les émissions réelles continuent d’augmenter considérablement.

L’AIE déclarait le mois dernier qu’on afficherait en 2021 la deuxième plus grande augmentation annuelle des émissions depuis 2010, alors que l’économie mondiale rebondira après la pandémie. « Il y a un écart croissant entre la rhétorique que nous entendons des gouvernements et des chefs de file de l’industrie, et ce qui se passe dans la vraie vie », a déclaré M. Birol.

L’agence, dont les 30 membres se trouvent principalement en Amérique du Nord, en Europe et en Asie de l’Est, a déclaré que le secteur de l’électricité devait montrer la voie, la production d’électricité atteignant la cible « zéro net » d’ici 2035 dans les économies avancées — et cinq ans plus tard dans le monde.

« Au-delà des projets déjà engagés à partir de 2021, il n’y a pas de nouveaux gisements de pétrole et de gaz approuvés pour le développement dans notre voie, et aucune nouvelle mine de charbon ou extension de mine n’est nécessaire », a-t-il déclaré.

Les grands pays en développement tels que la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud auront besoin d’aide pour concrétiser la suggestion du rapport de fermer les centrales au charbon les plus polluantes d’ici 2030.

Laura Cozzi, l’une des auteurs du rapport de l’AIE, a déclaré qu’en plus d’une augmentation considérable des sources d’énergie renouvelable et des ventes de voitures électriques, l’efficacité énergétique doit être considérablement augmentée au cours de la prochaine décennie. Les réseaux électriques et les réseaux de recharge de véhicules électriques devraient également être étendus pour faire face au passage des combustibles fossiles à l’électricité, a-t-elle déclaré.

Son co-auteur, Timur Gul, a déclaré que si les technologies existent pour décarboner le secteur de l’énergie, elles ne sont pas encore disponibles pour des secteurs tels que l’aviation ou l’industrie lourde. « Alors, nous devons les mettre sur le marché », a déclaré M. Gul.

Réactions

Dave Jones, analyste auprès du groupe de réflexion sur l’énergie Ember, estime que ce rapport marque un revirement majeur par rapport à la position passée de l’AIE, surtout au regard de l’industrie des combustibles fossiles.

L’organisation caritative « ActionAid » a souligné que le rapport met l’accent sur l’utilisation de biocarburants fabriqués à partir de cultures. Or, bien que ces carburants soient considérés comme une forme d’énergie renouvelable, ils sont souvent produits au détriment des cultures vivrières et nécessitent de grandes superficies de terres pour se développer. Mais Mme Cozzi a déclaré que les modèles du rapport n’exigent pas la conversion des forêts en terres arables.

Les environnementalistes canadiens ont accueilli favorablement le rapport de l’AIE.

Les analystes du groupe de réflexion sur l’énergie propre de l’Institut Pembina affirment que les recommandations de l’agence amélioreraient à la fois l’environnement et la santé humaine. L’organisme soutient qu’il y aurait beaucoup de possibilités d’emploi, mais ajoute que l’Alberta devra travailler plus fort pour réduire ses émissions.

Chez Greenpeace Canada, Keith Stewart a déclaré que le rapport jette le doute sur les commentaires des sociétés pétrolières et des gouvernements canadiens, qui prétendent que la production peut continuer à augmenter tout en visant toujours la carboneutralité.