(Washington) Les chômeurs se comptent toujours par millions aux États-Unis, plus d’un an après l’irruption de la COVID-19. Pourtant, de nombreux employeurs peinent à recruter : peur d’être infectés, problème de garde d’enfants ou allocations de chômage généreuses freinent les candidats.

« C’est un paradoxe de cette crise de la COVID-19. On a, et on risque d’avoir pendant les mois à venir, un déséquilibre entre les offres d’emplois et la demande », explique Gregory Daco, analyste pour Oxford Economics, dans un entretien à l’AFP.

En effet, l’économie américaine est désormais sur la rampe de la reprise et les entreprises commencent à recruter pour répondre à la demande croissante. Mais les chômeurs, eux, ne sont pas tous prêts à retourner au travail.

« Le principal problème est tout simplement que nous avons encore une pandémie », souligne Julia Pollak, économiste pour le site de recherche d’emploi ZipRecruiter.

Plus d’un quart (26 %) de la population américaine est désormais pleinement vacciné. Cela représente une part importante, par rapport à l’Europe par exemple, mais cela signifie aussi que les trois quarts des Américains s’inquiètent encore de tomber malades.

Les recruteurs se heurtent également aux problèmes persistants de garde d’enfants, alors que seulement un peu plus de la moitié des écoles du pays accueillent de nouveau les enfants à plein temps, selon les données de FutureEd, un cercle de réflexion de l’université Georgetown, à Washington.

« Meilleures conditions »

De nombreux secteurs sont concernés, note Gregory Daco : vente au détail, restauration, hôtellerie, loisirs.

« Les embauches restent un vrai défi, particulièrement pour les travailleurs à bas salaires ou payés à l’heure », a observé la Banque centrale américaine (Fed) dans une enquête réalisée auprès des entreprises entre fin février et début avril.

Un hôtelier de la région de Richmond, en Virginie, à l’est des États-Unis, y expliquait ainsi avoir « des postes vacants pour du personnel de nettoyage, mais peu d’intérêt de la part des travailleurs pour ces emplois ».

Avec des allocations chômage supplémentaires de 300 dollars par semaine versées jusqu’à fin août à tous les chômeurs et aux travailleurs indépendants, certains chômeurs sont moins sous pression pour retrouver rapidement un emploi.

D’autres sont confrontés aux « réductions des horaires de transports en commun » ou à « la lassitude liée à la recherche d’emploi », observent des employeurs de la région de Chicago, dans le nord, cités par l’étude de la Fed.

À ces barrières concrètes, s’ajoute une autre, plus inattendue : la crainte d’être de nouveau déçu au travail après un licenciement brutal. « Un peu comme après un divorce, lorsqu’on a peur de rencontrer de nouveau quelqu’un et de se remarier », note Julia Pollak.

Les travailleurs licenciés « ne sont pas pressés de se retrouver de nouveau dans une position vulnérable, quand les allocations chômage […] leur donnent un peu plus de temps pour trouver quelque chose avec de meilleures conditions », estime-t-elle.

Hausse des salaires

Une partie des Américains a par ailleurs pris goût au télétravail, qui permet de mieux combiner vie professionnelle et vie familiale en évitant de perdre une ou deux heures par jour dans les transports.

« Beaucoup de gens qui n’ont jamais travaillé à distance, employés dans la restauration, la livraison, les entrepôts, attendent une opportunité de télétravail » et « la possibilité d’obtenir une telle offre a augmenté », relève Julia Pollak.

Cela risque de pénaliser encore davantage la restauration, qui se prépare à un fort rebond printanier et estival, après avoir particulièrement souffert de cette année de crise.

« À mesure que la météo s’améliore et que les restrictions seront assouplies par les États, la fréquentation des restaurants augmentera et cela amplifiera le besoin d’employés », a indiqué Hudson Riehle, en charge de la recherche pour la Fédération nationale des restaurateurs, dans un courriel à l’AFP.

Un défi de taille, « avec moins de personnes sur le marché du travail, le soutien (du gouvernement) toujours en place, les inquiétudes des travailleurs pour leur santé et une concurrence beaucoup plus grande avec d’autres secteurs pour (attirer) les travailleurs », résume-t-il.

Les salaires proposés feront donc partie de l’équation. D’autant plus que les géants de la distribution Amazon, Costco, Target ou encore Walmart ont déjà annoncé des hausses de rémunération.

La COVID-19 a détruit 22 millions d’emplois aux États-Unis, dont plus de la moitié – 14 millions – ont depuis été recréés. Mais près de 17 millions d’Américains touchent toujours une allocation chômage, si l’on compte tous les travailleurs indépendants.