Difficile d’oublier le début de crise titanesque dans lequel nous nous trouvions il y a un an. Les dommages économiques profonds et permanents que le cauchemar COVID-19 laissait présager étaient bien réels.

Un an plus tard, force est de constater qu’à 5,4 % du PIB en 2020, la contraction économique fut colossale ; l’effort budgétaire qui a été déployé par le gouvernement fédéral pour y faire face dépasse déjà 20 % du PIB. C’est quatre fois plus que ce qui a été consenti lors de la crise financière de 2008.

Le progrès réel accompli au cours des dernières semaines vient toutefois changer la donne de façon significative. Aux États-Unis, le président Biden a accompli en 50 jours ce qu’il avait promis de faire en 100 jours : déjà 100 millions d’Américains ont été vaccinés. Vendredi dernier, il a promulgué son plan de relance de 1900 milliards (l’équivalent du PIB annuel canadien).

L’impact du plan de relance américain sera gigantesque, tant sur le plan domestique qu’international. À preuve, Morgan Stanley a révisé ses prévisions de croissance du PIB américain à 7,4 % pour 2021, du jamais-vu depuis le boom qui remonte à la guerre de Corée de 1951. Le Canada « importera » les bénéfices économiques du méga-stimulus américain. Une stratégie industrielle pour faire concurrence à la Chine dans les secteurs névralgiques est en préparation à la Maison-Blanche.

PHOTO DAVE CHAN, FOURNIE PAR ROBERT ASSELIN

Robert Asselin, premier vice-président au Conseil canadien des affaires et Fellow à la Munk School of Global Affairs and Public Policy à l’Université de Toronto

La Banque du Canada, fermement engagée à poursuivre son programme d’assouplissement quantitatif, a pris acte mercredi dernier que la croissance du PIB canadien au premier trimestre de 2021 sera positive, et non pas négative comme dans sa dernière projection de janvier. Le PIB a d’ailleurs crû de 9,6 % au dernier trimestre de 2020 !

Qui aurait pu prévoir qu’un an seulement après l’hécatombe, des voix sérieuses s’élèveraient pour nous prévenir des dangers d’une montée inflationniste soudaine causée par une surchauffe économique ?

À la veille d’un budget fédéral qui s’annonce conséquent (le dernier budget remonte à 2019 !), où cela nous amène-t-il sur le plan de la politique économique et budgétaire ?

Pour le gouvernement Trudeau, un changement de cap est requis sur au moins trois fronts.

1. Mieux cibler les programmes d’aide et les restreindre aux secteurs (et travailleurs) durement touchés. Nous ne sommes plus à l’étape où l’État agissait comme un pompier qui submerge les lieux d’eau sans se soucier de savoir où est le feu.

2. Un « stimulus » axé sur le court terme accomplira peu dans le contexte actuel. La demande reviendra à mesure que nous rouvrirons l’économie (et les secteurs que nous avons dû fermer) et que la vaccination de masse progressera. N’oublions pas que l’épargne personnelle et le revenu disponible des Canadiens se situent à un niveau beaucoup plus élevé qu’avant la pandémie.

3. Ce qui est requis, c’est un plan de croissance à long terme visant à augmenter notre capacité productive : maximiser notre capital humain, commercialiser notre recherche et développement, accélérer la numérisation des entreprises, adopter une politique industrielle ciblée dans les secteurs en croissance et faciliter la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.