(Ottawa) La ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland, reconnaît que de plus en plus d’économistes redoutent que son plan de relance de l’économie canadienne, qui pourrait friser les 100 milliards de dollars sur trois ans, puisse entraîner une hausse de l’inflation et, éventuellement, des taux d’intérêt.

La ministre affirme qu’il est tout à fait possible d’éviter une telle surchauffe de l’économie en effectuant des investissements ciblés qui permettront de redonner du travail aux quelque 663 000 Canadiens qui n’ont toujours pas retrouvé l’emploi qu’ils occupaient avant la pandémie.

Témoignant devant le comité des finances, jeudi, Mme Freeland a affirmé qu’elle avait déjà abordé cette crainte inflationniste avec la secrétaire au Trésor des États-Unis, Janet Yellen, au cours des dernières semaines.

À cet égard, elle partage l’avis de son homologue américaine, à savoir qu’il est impératif de ne pas répéter l’erreur commise par de nombreux pays après la crise financière de 2008-2009 en mettant fin aux mesures de relance trop rapidement. Et qu’il est préférable d’en faire plus que pas assez.

« Ce n’est pas seulement une question du niveau des dépenses du gouvernement. C’est aussi une question de la composition des dépenses », a soutenu Mme Freeland en réponse à une question du député bloquiste Gabriel Ste-Marie au sujet des craintes d’une surchauffe.

Dans son énoncé économique de novembre dernier, la ministre a indiqué qu’Ottawa proposerait un plan de relance oscillant entre 70 et 100 milliards de dollars sur trois ans dès que la pandémie serait sous contrôle et que les mesures de restriction imposées par les provinces ne seraient plus nécessaires. Le détail de ce plan de relance sera dévoilé dans son budget, attendu en avril. Il s’agira du premier budget fédéral en deux ans.

Mais selon de nombreux économistes, de tels investissements ne seront peut-être pas nécessaires au moment où les taux d’épargne des Canadiens atteignent des niveaux impressionnants – près de 200 milliards de dollars – et qu’ils piaffent d’impatience de reprendre une vie normale après 12 mois de confinement.

Les mêmes craintes inflationnistes alimentent également les débats aux États-Unis, où le président, Joe Biden, vient de signer un plan de relance de 1900 milliards de dollars américains.

« Une dépense qui est un investissement dans la capacité économique du pays, c’est très différent d’une dépense qui n’est pas un investissement dans la capacité économique », a indiqué la ministre Freeland. « Une des premières questions que l’on considère en évaluant nos dépenses, c’est si elles vont ajouter à la capacité économique de notre pays. »

Le réseau national de garderies se confirme

Si Mme Freeland a refusé net de dévoiler la date de son budget durant son témoignage, malgré l’insistance de plusieurs députés, elle a annoncé certaines de ses couleurs. L’une des dépenses structurantes qu’elle envisage dans son prochain budget visera à créer un réseau national de garderies afin de permettre aux femmes, plus durement touchées durant la pandémie, de réintégrer le marché du travail. À cet égard, le gouvernement fédéral veut s’inspirer du modèle québécois.

« Nous croyons vraiment que le moment est venu pour nous, en tant que pays, après 50 ans de discussions, de [pousser] enfin à la roue et de construire un réseau national et universel de garderies à travers le Canada », a-t-elle affirmé.

« Nous devons tous [tirer] notre chapeau à nos collègues du Québec qui ont montré la voie à suivre. Ils ont montré que des services de garde universels abordables de haute qualité ont un impact économique énorme. Le Québec a une participation beaucoup plus élevée des femmes sur le marché du travail que le reste du Canada, environ 4 % plus élevé. C’est un grand avantage économique », a-t-elle ajouté.

Durant son témoignage, Mme Freeland a aussi indiqué que le gouvernement fédéral consulterait les provinces afin de rouvrir la frontière canado-américaine, fermée depuis 12 mois. Quels seront les critères utilisés pour déterminer s’il est sécuritaire de rouvrir la frontière aux touristes américains ? Est-ce qu’il faudra attendre qu’au moins 70 % de la population soit vaccinée avant d’en arriver à une telle décision ? La ministre n’a pas voulu s’avancer, se bornant à dire que la sécurité et la santé des Canadiens seraient des facteurs déterminants.