(Ottawa) La Banque du Canada a laissé son taux d’intérêt directeur inchangé, mercredi, et a indiqué qu’elle tablait désormais sur une croissance de l’économie pour les trois premiers mois de l’année, alors qu’elle projetait, il n’y a que quelques semaines, que l’économie se contracterait au premier trimestre.

La banque centrale avait prévenu en janvier que les confinements et le resserrement des restrictions sanitaires dans une grande partie du pays forceraient le produit intérieur brut réel à diminuer dans les premiers mois de 2021.

Statistique Canada a cependant révélé dans les semaines suivantes que l’économie avait été plus vigoureuse que prévu à la fin de l’année dernière et a livré une estimation préliminaire pour le mois de janvier qui laisse entrevoir un léger gain malgré les restrictions strictes mises en place.

Les responsables de la banque ont souligné que la résilience de l’économie s’expliquait par les façons dont les consommateurs et les entreprises se sont adaptés à la plus récente ronde de confinements et de restrictions.

En outre, la Banque du Canada a évoqué l’activité « beaucoup plus vigoureuse » que prévu du marché du logement, dont la croissance inattendue a contribué à la croissance du produit intérieur brut pendant les trois premiers mois de l’année.

Mais la banque centrale a aussi lancé un avertissement au sujet de l’incertitude considérable entourant l’évolution de la pandémie, qui complique les perspectives économiques à plus long terme. Elle se demande notamment combien de temps il faudra avant que le marché du travail ne récupère complètement toutes les pertes historiques enregistrées l’an dernier.

La déclaration évoque aussi les nouveaux variants du coronavirus, plus contagieux, et les considère comme le plus grand risque à la baisse pour la reprise, puisque les éclosions et les restrictions plus localisées pourraient « limiter la croissance et la rendre plus variable ».

La Banque du Canada a indiqué que le taux cible du financement à un jour resterait à sa valeur plancher de 0,25 % jusqu’à ce que les capacités excédentaires dans l’économie se résorbent, de sorte que la cible d’inflation de 2 % soit atteinte de manière durable — ce qui ne devrait pas se produire avant 2023, selon elle.

Des experts s’attendent pour leur part à ce que cela puisse se produire vers la fin de l’année prochaine.

S’assurer que tout le monde profite de la reprise

L’économiste Josh Nye, de la Banque Royale, a estimé que l’importance accordée par la banque centrale à l’impact disproportionné des pertes d’emplois sur les travailleurs à faibles salaires, les jeunes et les femmes pourrait également faire en sorte que les taux restent bas plus longtemps.

« Ils veulent s’assurer que l’impact inégal de la pandémie soit renversé et que les personnes qui ont été le plus touchées soient, en fin de compte, en mesure de partager la croissance économique et les gains d’emplois que nous attendons avec la réouverture de l’économie », a-t-il affirmé lors d’une entrevue.

« La discussion sur le marché du travail est un élément de conciliation qu’ils utilisent ici pour contrebalancer une partie de l’optimisme quant à la vigueur des récents chiffres sur le PIB. »

La banque centrale a indiqué qu’elle avait l’intention de poursuivre son programme d’assouplissement quantitatif, qui est une façon pour elle d’injecter de l’argent dans l’économie.

Le taux directeur est à 0,25 % depuis un an. La banque centrale l’a abaissé à trois reprises en mars dernier, alors que l’économie entrait dans une crise historique, en le portant à ce qu’elle considère être sa valeur plancher — signalant qu’elle ne le réduirait pas davantage.

Cette décision s’inscrivait dans le cadre des efforts de la banque pour maintenir la circulation du crédit et alléger les coûts des ménages en faisant baisser les taux appliqués aux prêts hypothécaires et aux prêts personnels.

Même si l’aide gouvernementale a, dans l’ensemble, plus que contrebalancé les pertes de salaire, certains ménages ressentent toujours une pression financière, en particulier dans l’Ouest, selon FP Canada, une association de planificateurs financiers.

Shannon Lee Simmons, fondatrice de la société de planification financière The New School of Finance, a indiqué que les préoccupations financières persistantes pourraient être dues au fait que la pandémie a encore plus fragilisé les ménages qui n’étaient pas prêts à l’adversité.

« C’est là que nous voyons vraiment cette dichotomie entre les personnes qui se rétablissent maintenant, même si elles ont été touchées, et les personnes qui ont un genre de gueule de bois financière », a-t-elle observé.

Elle a ajouté que l’incertitude persistante compliquait la planification de certains ménages au-delà des prochaines semaines, ce qui pourrait prolonger leur reprise financière.

Dans un rapport publié mercredi, le Conference Board du Canada a prédit un fort rebond des économies provinciales cette année, alors que les efforts de vaccination finiront par permettre d’assouplir les restrictions sur l’activité économique et les voyages. Une demande refoulée et les économies considérables réalisées par des millions de Canadiens qui ont réussi à conserver leur emploi contribueront à la reprise, selon le rapport.

« Nous pensons que les consommateurs mèneront la reprise au cours du second semestre 2021, à mesure que les cas de COVID-19 se dissiperont et que les perspectives économiques et la confiance des consommateurs s’amélioreront », a affirmé dans un communiqué l’économiste en chef du groupe de recherche, Pedro Antunes.

La Banque du Canada doit dévoiler à la fin du mois prochain une mise à jour de ses prévisions économiques dans le cadre de la publication trimestrielle de son Rapport sur la politique monétaire.