(Ottawa) Les pays du G7 ont tout intérêt à coordonner leurs efforts pour relancer l’économie mondiale dès que les mesures de déconfinement pour contrôler la pandémie ne seront plus nécessaires, estime la ministre des Finances, Chrystia Freeland.

Un effort concerté des pays les plus industrialisés permettrait une reprise économique plus rapide et plus robuste, a avancé la ministre Freeland, qui s’est déjà entretenue à ce sujet avec la secrétaire au Trésor des États-Unis, Janet Yellen.

Au Canada, le gouvernement Trudeau envisage un plan de relance oscillant entre 70 milliards et 100 milliards de dollars sur trois ans. Mme Freeland devrait annoncer les détails de ce plan dans le budget qu’elle présentera à la Chambre des communes en mars ou en avril. Il s’agira du premier budget du gouvernement Trudeau en deux ans et du premier concocté par Mme Freeland, qui a accédé au ministère des Finances en août dans la foulée de la démission du ministre Bill Morneau.

À Washington, l’administration démocrate de Joe Biden planche sur un plan de relance de 1900 milliards de dollars américains. Mme Freeland soutient que le moment choisi par les gouvernements pour relancer l’économie est d’une importance capitale. Selon elle, il faut éviter à tout prix d’appuyer sur l’accélérateur si la pandémie n’est pas maîtrisée et que les autorités sanitaires doivent de nouveau imposer des mesures de confinement pour freiner une troisième vague.

Dans une entrevue accordée à La Presse, Mme Freeland a précisé qu’elle avait aussi abordé l’importance d’un effort concerté pour une sortie plus rapide de la crise économique avec la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva.

Je pense que tout le monde est d’accord que l’on peut avoir un effet plus grand si on a une coordination. Et quand je parle de coordination, c’est plus de discuter ensemble de nos plans de relance et de faire attention à ce que nos plans soient compatibles les uns avec les autres.

Chrystia Freeland, ministres des Finances du Canada

À cet égard, Mme Freeland, qui est aussi la vice-première ministre, a précisé que son homologue américaine était sur la même longueur d’onde qu’elle.

Le danger de l’insuffisance

« Nous sommes aussi d’accord que maintenant, le danger, le plus grand danger, c’est de ne pas en faire assez. Ce n’est pas d’en faire trop », a dit la ministre, qui avait d’ailleurs évoqué avec force cette formule dans la mise à jour économique et financière de novembre dernier pour justifier un plan de relance costaud, même si le déficit frisera les 400 milliards de dollars en 2020-2021.

De toute évidence, la grande argentière du pays garde en tête la réponse de l’ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper à la grande récession de 2008-2009. Selon certains analystes, les gouvernements ont erré en mettant fin trop rapidement aux mesures visant à relancer l’économie. Résultat : le taux de croissance a été moins relevé durant les années suivantes.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, et le ministre des Affaires étrangères, Marc Garneau, lors du du sommet virtuel entre les États-Unis et le Canada.

La relance de l’économie a été l’un des sujets abordés cette semaine durant le sommet virtuel entre le président Joe Biden et le premier ministre Justin Trudeau. Mme Freeland et le ministre des Affaires étrangères, Marc Garneau, ont participé à ce sommet mardi, et cinq autres ministres du gouvernement libéral ont pu prendre part à une réunion élargie après. Du côté américain, la vice-présidente, Kamala Harris, le secrétaire d’État, Antony Blinken, et la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, entre autres, ont aussi pris part aux pourparlers.

Protectionisme américain

Durant la rencontre, Mme Freeland a indiqué que le premier ministre Trudeau et elle avaient abordé de front la question du protectionnisme américain, notamment le Buy American Act, que compte invoquer l’administration Biden en mettant en œuvre son plan de relance.

J’ai soulevé la question. Le premier ministre l’a soulevée aussi durant les deux réunions. […] Nous avons expliqué que pour avoir une relance plus vite et plus solide, nous devons travailler ensemble et éviter de créer des obstacles. Et le protectionnisme est un obstacle à la relance.

Chrystia Freeland, ministres des Finances du Canada

Et l’argument selon lequel les chaînes d’approvisionnement des deux pays sont fortement intégrées a aussi été martelé.

« Nous avons expliqué qu’il y a évidemment de grandes opportunités pour les entreprises canadiennes aux États-Unis. Mais c’est une relation réciproque et il y a aussi de grandes opportunités pour les entreprises américaines au Canada. L’administration Biden a de grands plans pour faire des investissements dans l’économie américaine. Mais nous aussi, nous avons des plans pour faire des investissements dans l’économie canadienne », a-t-elle dit.

Ayant été la principale interlocutrice du Canada auprès de Washington durant les années de pouvoir du président Donald Trump, notamment durant les longues et difficiles négociations visant à moderniser l’Accord de libre-échange nord-américain, Mme Freeland se réjouit d’avoir à la Maison-Blanche un président qui voit le Canada comme un ami, un allié et un partenaire « stratégique ».

« Nous avons des valeurs en commun, le Canada et les États-Unis, avec nos deux gouvernements aujourd’hui. Nous reconnaissons aussi que nous sommes à un moment historique pour le monde. Avant même la pandémie, on a eu un grand conflit mondial entre l’autoritarisme et la démocratie. Maintenant, nous, les démocrates, devons démontrer à nos citoyens qu’un gouvernement démocratique peut [être à la hauteur des attentes de] ses citoyens. Nous devons démontrer que nous pouvons lutter contre la COVID-19, protéger la vie et la santé de nos citoyens et que nous pouvons aussi avoir une relance économique après la récession causée par la COVID-19. »