Alors qu’on s’attendait au pire en cette année de pandémie et malgré l’endettement croissant des ménages, le nombre de faillites a fortement diminué au Québec en 2020.

Le nombre d’entreprises et de consommateurs incapables de s’acquitter de leurs obligations financières était en baisse de 34 % au Québec en 2020 par rapport à 2019, selon les plus récentes données du Bureau du surintendant des faillites. Au Canada, la baisse est de 32,9 %.

Au Québec, les cas d’insolvabilité (faillites et propositions d’arrangement) ont diminué de 34,6 % pour les consommateurs et de 22,6 % pour les entreprises, par rapport à la même période un an plus tôt.

Ce sont des données surprenantes, qui reflètent le contexte particulier de l’année qui vient de se terminer, selon Stéphane Gauvin, syndic autorisé en insolvabilité et associé chez Raymond Chabot.

« Les consommateurs et les entreprises ont reçu beaucoup d’aide et ont eu moins d’occasions de dépenser », résume-t-il à l’intention de La Presse.

Les consommateurs ont pu bénéficier de la Prestation canadienne d’urgence (PCU), de reports de paiements hypothécaires et de gels de taux d’intérêt, énumère-t-il. En même temps, les occasions de dépenser dans les voyages et dans les restaurants ont été moins nombreuses, en raison des restrictions imposées à cause de la pandémie. « Les gens se sont retrouvés avec plus d’argent dans leurs poches », observe-t-il.

Malgré le taux d’endettement croissant des ménages québécois, qui dépasse maintenant 150 %, moins de consommateurs ont été étouffés par leurs dettes au point de déclarer faillite ou de proposer un arrangement à leurs créanciers.

Les cas d’insolvabilité regroupent les faillites et les arrangements. Les deux possibilités s’offrent à un particulier ou une entreprise incapables de s’acquitter de ses obligations. Les propositions d’arrangement avec les créanciers sont de plus en plus utilisées par les particuliers, tandis que les entreprises y ont moins souvent recours en raison du coût et de la lourdeur des procédures.

Du côté des entreprises, les programmes d’aide des gouvernements ont également fait diminuer la pression sur leurs finances. Beaucoup ont pu s’entendre avec leurs fournisseurs ou renégocier leurs baux, et surtout, note Stéphane Gauvin, les institutions financières ont fait preuve de patience avec leurs clients.

« Les banques ont souvent beaucoup à perdre dans une faillite, précise-t-il, et elles ont des équipes de spécialistes qui suivent de près leurs clients pour prévenir les problèmes, ce qu’elles n’avaient pas il y a quelques années. »

Bombes à retardement ?

Depuis le sommet atteint en 2008, lors de la crise financière, le nombre de cas d’insolvabilité est sur une pente descendante au Canada et au Québec, même si les taux d’intérêt qui sont restés très bas depuis ont permis aux entreprises comme aux ménages de continuer d’accumuler des dettes.

Ça fait quelques années déjà que les spécialistes comme Stéphane Gauvin s’attendent à ce que la bombe à retardement de l’endettement finisse par éclater. Mais la hausse des taux d’intérêt annoncée ne s’est pas matérialisée et, avec la pandémie, le crédit restera encore bon marché pendant encore longtemps.

À 0,25 %, le taux directeur de la Banque du Canada est à son plus bas niveau historique.

Tout ça aura quand même une fin, estime le syndic, qui s’attend à une remontée du nombre de cas d’insolvabilité quand il faudra rembourser les montants de PCU et que les gouvernements réduiront leurs appuis.

« Je n’ai pas de boule de cristal, mais aussitôt que l’économie va reprendre, il y a des gens qui vont avoir des décisions à prendre », dit-il.