Quel sera l’impact économique du nouveau confinement ? Le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, creuse cette question depuis trois jours. « C’est une obsession », avouait-il, vendredi, en marge du dévoilement de la septième édition du Bilan de la fiscalité au Québec de l’Université de Sherbrooke.

Heureusement, Québec a la marge de manœuvre pour faire face à ce nouveau choc qui devrait coûter 1 à 2 milliards de dollars. « Nous aurons un déficit de près de 15 milliards cette année. L’estimé demeure, malgré le nouveau confinement. Nous sommes confortables. Il y avait une provision de 4 milliards », rappelle M. Girard.

Mais si Québec est en mesure d’absorber les effets du nouveau confinement, il reste pris avec un déficit structurel de l’ordre de 6 à 7 milliards qu’il faudra bien résorber un jour.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Eric Girard, ministre des Finances du Québec

« Il est faux de dire que les taux sont à zéro et que ça ne nous coûte rien d’emprunter », dit M. Girard. En fait, le financement de la dette coûte autour de 3,3 % d’intérêts. Il est aussi faux de croire que la seule croissance économique fera disparaître la dette comme par magie.

Tôt ou tard, il faudra que les revenus augmentent plus vite que les dépenses. Mais comment retrouver le cap ?

« Nous ne voulons pas alourdir le fardeau fiscal des Québécois qui est déjà très important », assure le ministre caquiste. En effet, la pression fiscale, c’est-à-dire le poids de tous les prélèvements fiscaux par rapport au PIB, est plus élevée au Québec (38,9 %) que dans toute autre province canadienne (34,1 % en moyenne) et que dans un grand nombre de pays de l’OCDE (33,9 % en moyenne).

On a beau être en Amérique du Nord, on a un poids de la fiscalité qui est à l’européenne.

Luc Godbout, titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

À la lecture du Bilan de la fiscalité, on constate qu’il y aurait moyen d’optimiser notre système fiscal.

***

Parlons d’abord de taxes à la consommation, puisque le Canada a « célébré » le 30e anniversaire de l’introduction de la TPS le 1er janvier dernier.

Depuis cette époque, le poids de l’ensemble des taxes à la consommation perçues au Québec a fondu de 10,6 % à 10 % en proportion du PIB, alors qu’il a suivi la trajectoire inverse dans l’OCDE, grimpant de 9,3 % à 10,8 %.

De nombreuses études ont démontré que les taxes à la consommation sont moins nocives que l’impôt sur le revenu, qui décourage les gens de travailler.

« L’augmentation des taxes à la consommation devrait être le principal domaine à considérer lors de l’augmentation des recettes fiscales supplémentaires », écrivaient, en juillet dernier, Peter van Dijk et Glen Hodgson, tous deux fellows de l’Institut C.D. Howe.

Au Québec, les taxes restent bien moins élevées (15 %) que dans plusieurs pays européens (25 %). Alors si le gouvernement cherche des revenus, il y a de l’espace de ce côté.

***

Si on désire que la relance économique post-COVID-19 soit verte, Québec devrait aussi mettre la pédale au fond sur l’écofiscalité. Pour l’instant, nous sommes les cancres des taxes sur l’essence.

Au Québec, les écotaxes représentent 91 % du prix de l’essence hors taxe que nous mettons dans nos réservoirs. De tous les pays de l’OCDE, seuls les États-Unis, le Chili et l’Australie ont des écotaxes moins élevées.

Dans certains pays européens, comme le Royaume-Uni, ces taxes représentent presque 200 % du prix de l’essence. Alors, on a du chemin à faire si on veut freiner les conducteurs qui roulent en gros carrosse et favoriser la lutte contre les changements climatiques.

L’argent récolté pourrait être réinvesti dans les transports en commun ou utilisé pour financer des baisses d’impôt pour les particuliers, ce qui en ferait une réforme à coût nul pour les contribuables.

***

Un coup parti, Québec pourrait faire le ménage dans les 284 mesures fiscales qui lui coûtent 35 milliards par année et qui complexifient à outrance la déclaration de revenus des particuliers et des entreprises.

Québec avait mis la table pour une grande réforme fiscale. En 2015, la Commission d’examen sur la fiscalité avait notamment proposé l’abolition d’une trentaine de mesures fiscales inefficaces.

On suggérait de mettre au rancart le crédit pour les pompiers volontaires et la déduction pour les frais de déménagement (déjà couverts par le fédéral), le crédit pour les activités des enfants (bien sympathique, mais ça profite surtout aux familles mieux nanties), le congé fiscal pour les marins (oui, ça existe, mais c’est très peu utilisé), la détaxation des couches (on aide déjà les familles autrement) et même la mesure incitative québécoise à l’épargne-études (petit cauchemar administratif).

Combien de ces mesures ont été éliminées ? À ma connaissance, aucune. Par contre, Québec a continué à lancer de nouvelles mesures, comme la Subvention pour aînés relative à une hausse de taxes municipales (archicomplexe et pas très populaire).

Bref, le ménage reste à faire.