Après quatre ans de grande improvisation, de querelles incessantes, de menaces tonitruantes et de représailles impromptues de la part de notre principal partenaire commercial, l’élection de Joe Biden pourrait permettre d’apaiser enfin le climat général et de restaurer enfin un peu de prévisibilité dans l’activité économique continentale tout en relançant un multilatéralisme plus constructif que l’isolationnisme primaire dans lequel Donald Trump a enfermé les États-Unis.

Du point de vue économique, quel est le candidat que je préférerais voir sortir gagnant de l’élection présidentielle américaine de mardi ? Voilà la question simple que m’a posée mon patron et qui a commandé une réponse rapide, spontanée, presque viscérale.

Les États-Unis, le Canada et le monde entier ont besoin de retrouver une cohésion économique plus sereine et surtout plus certaine, et ce n’est certes pas Donald Trump qui est en mesure de remplir une telle commande puisque toutes ses actions ont toujours été orientées sur la réalisation immédiate et à court terme de ses propres objectifs et ambitions.

Si les quatre années de présidence de Donald Trump ont permis aux États-Unis de poursuivre l’élan de croissance que son prédécesseur Barack Obama avait insufflé à l’économie américaine pour lui permettre d’émerger en force de la grande crise économique de 2008-2009, le départ de la Maison-Blanche du 45président américain sera accueilli avec soulagement par bien des gens.

Oui, Donald Trump a permis aux marchés boursiers américains de sortir de leur torpeur et de reprendre leur forte ascension en décrétant rapidement les baisses d’impôt aux entreprises qu’il avait promises, mais c’est à peu près la seule réalisation qu’il a accomplie durant son mandat et elle a principalement profité à une minorité de mieux nantis.

Rappelez-vous l’élection de 2016 et ses promesses de moderniser à grande échelle les infrastructures désuètes des États-Unis, ce qui représentait un engagement porteur et qui aurait été bénéfique à l’ensemble de la population américaine. Mis à part la réfection et l’agrandissement du mur frontalier avec le Mexique, on n’a pas assisté à la levée de terre de grands projets inspirants. On est loin du New Deal de Roosevelt et beaucoup de ponts, de routes, d’usines d’épuration ou d’autres projets structurants restent à construire.

Outre ses innombrables et quotidiennes attaques verbales contre la Chine et les incalculables mesures de représailles économiques qu’il a adoptées contre la prochaine plus grande puissance économique mondiale, Donald Trump a aussi répudié le concept et la notion du multilatéralisme en remettant en question toutes les relations commerciales américaines sous le prisme de son slogan électoral « Make America Great Again ».

Un protectionnisme excessif

L’obsession de Donald Trump de vouloir récupérer des emplois délocalisés parce que les entreprises américaines n’étaient tout simplement plus compétitives l’a amené à adopter des mesures irrationnelles, comme l’imposition de droits punitifs contre l’acier et l’aluminium canadiens.

L’élection de Joe Biden ne fera pas disparaître du jour au lendemain toutes les velléités protectionnistes américaines, loin de là, mais on peut présumer qu’un nouveau président démocrate va les policer davantage, les rationaliser à l’aune de la réalité économique.

Historiquement, le Parti démocrate, fortement appuyé par les grandes centrales syndicales, a toujours cherché à protéger les travailleurs américains. C’est avec le président républicain Ronald Reagan que le premier ministre Brian Mulroney a entamé les négociations en vue de la signature d’un accord de libre-échange qui a été conclu par le président républicain George Bush en 1988.

Ce qui n’a pas empêché le département américain du Commerce d’imposer pour la première fois des droits de douane sur les exportations canadiennes de bois d’œuvre en 1981, sous Reagan, puis en 1988, sous George Bush.

Ces deux présidents républicains ne pouvaient faire autrement, ils devaient répondre aux plaintes des producteurs américains et à leur lobby et ouvrir une enquête, la loi américaine les y obligeait. Au terme du processus devant l’Organisation mondiale du commerce, les producteurs canadiens ont eu gain de cause.

La même chose s’est produite sous la présidence du démocrate Bill Clinton en 1993 et là encore, les producteurs canadiens de bois d’œuvre ont obtenu un jugement favorable en 1996. En 2001, le républicain George W. Bush a instauré une nouvelle enquête, tout comme le démocrate Barack Obama en 2016. Cette dernière enquête est toujours en cours et coûte des droits punitifs de 20 % sur toutes les exportations canadiennes de bois d’œuvre.

Bref, le protectionnisme ne disparaîtra pas avec l’élection d’un nouveau président démocrate, mais ce ne sera pas lui qui sera l’instigateur d’inextricables et improductives vendettas comme Trump l’a été avec l’aluminium et l’acier canadien en invoquant la sécurité nationale pour pénaliser nos entreprises.

On ne connaît pas l’issue du vote de l’élection présidentielle de mardi et il est possible qu’on attende quelques jours encore avant d’être définitivement fixé sur ses résultats, mais après quatre années de chaos, de discours distordus, de narcissisme politique exacerbé, je souhaite, comme beaucoup d’autres, je pense, que l’on passe à autre chose, que l’on revienne à une époque où la rationalité l’emporte sur l’ego.