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Pour retourner au déficit zéro, il faudra probablement 10 ans. Pas au fédéral, où le déficit est gigantesque, mais au Québec, où les finances publiques sont pourtant en bon ordre.

Ce constat, c’est celui de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques (CFFP) de l’Université de Sherbrooke dans un rapport publié vendredi.

Dix ans, faut-il dire, c’est le temps que prendrait le retour à l’équilibre budgétaire sans hausse d’impôts, ni compressions budgétaires ni changements aux paramètres budgétaires actuels.

En comparaison, il a fallu sept ans pour atteindre le déficit zéro lors de la dernière récession de 2008-2009, avec des augmentations de taxes et des compressions. Et l’économie s’était contractée de seulement 0,8 % en 2009, rappelons-le, contre possiblement 6,6 % en 2020. Ouch !

Mais 10 ans, ce n’est pas une fatalité. Si l’économie croît plus vite que les prévisions – ce que tente ardemment de faire la CAQ, comme les gouvernements précédents –, ce sera six ou sept ans. Le déficit du Québec, faut-il préciser, devrait être de 5,4 milliards l’an prochain, estiment les auteurs.

Le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, a dit souhaiter que l’équilibre budgétaire soit atteint en cinq ans sans compressions, ni hausse de taxes, ni impôts additionnels. Selon le rapport des chercheurs Yves St-Maurice, Luc Godbout et Suzie St-Cerny, il s’agit d’une mission impossible.

La Chaire avance certains scénarios qui pourraient ramener ce délai à cinq ans, comme le souhaite le ministre, mais il n’y a pas de magie. Essentiellement, trois options sont envisagées, toujours les mêmes : on hausse les revenus (impôts, taxes, etc.), on comprime les dépenses ou, enfin, on détourne les revenus du Fonds des générations vers l’équilibre budgétaire, mettant temporairement de côté la cible de réduction de la dette. Ou une combinaison des trois, bien sûr.

Dans un tel cas, selon l’analyse, le déficit à la cinquième année passerait vraisemblablement de 3,2 milliards (en 2025-2026) à zéro.

Parmi les options envisagées, la plus facile est le détournement des versements du Fonds des générations, dont la mission est de réduire la dette. Mais selon Luc Godbout – et c’est l’avis de nombreux économistes –, ce détournement pur et simple « enverrait un mauvais signal », soit l’abandon trop facile de l’objectif de contrôle de notre dette.

Selon les chercheurs, il est préférable, à la limite, de réduire certaines sommes consacrées annuellement au Fonds des générations. Ce pourrait être, par exemple, la contribution additionnelle d’Hydro-Québec (215 millions), certaines taxes spécifiques sur l’alcool qui y sont réservées (500 millions) ou encore les revenus miniers (300 millions).

Si le gouvernement caquiste ne veut pas ramener le Québec en période d’austérité ni augmenter les taxes et les impôts, il pourrait opter pour une réduction des dépenses fiscales (en plus d’une ponction dans les revenus du Fonds des générations).

Réduire les dépenses fiscales est l’équivalent d’abolir des avantages fiscaux pour certaines catégories de contribuables ou, autrement dit, d’augmenter leurs impôts. Néanmoins, cette avenue a l’avantage de ne pas faire une hausse généralisée du fardeau fiscal, comme augmenter la taxe de vente ou le taux d’imposition des revenus, disent les auteurs.

Dans un autre rapport publié vendredi, justement, la CFFP estime que Québec pourrait récolter des centaines de millions de dollars en réduisant non pas ses dépenses courantes (santé, éducation, etc.), mais ses dépenses fiscales.

Les chercheurs Tommy Gagné-Dubé, Michaël Robert-Angers et Luc Godbout ont déterminé une douzaine de dépenses fiscales qui pourraient être touchées, totalisant environ 2 milliards de dollars. Il serait néfaste de toutes les viser, mais certaines méritent attention.

Parmi les mesures qui ne nécessiteraient pas de coordination avec le fédéral, soulignons le gel de l’indexation des barèmes d’imposition (les tables d’impôt). Ce gel rapporterait 199 millions en 2021, somme qui grimperait à environ 1,04 milliard en 2023.

Cette non-indexation a été utilisée à Québec comme à Ottawa par le passé, et elle est en cours en Alberta et en Saskatchewan, qui font face à de lourds déficits.

Les chercheurs suggèrent aussi l’élimination de la composante universelle de l’Allocation familiale, ce qui rapporterait 301 millions par année. Les familles qui font 175 600 $ et plus ont-elles besoin d’une allocation familiale ?

Autre mesure intéressante : la disparition graduelle du Montant personnel de base pour les plus fortunés. Au Québec, ce montant permet à tous les contribuables d’économiser des impôts sur leurs premiers 15 532 $ de revenus.

Les chercheurs proposent de réduire son admissibilité pour les 350 000 contribuables qui font plus de 108 390 $ de revenus. Les 10 305 contribuables gagnant plus de 491 690 $ n’y auraient plus droit, perdant environ 2300 $ par année. Globalement, la mesure permettrait au gouvernement de récupérer 130 millions par an.

Enfin, il y a une mesure controversée, soit la hausse à 75 % du taux d’inclusion du gain en capital pour les fins de l’impôt, qui est actuellement à 50 %. Cette hausse rapporterait 1,1 milliard au gouvernement du Québec, calcule l’étude, mais il faudrait que le fédéral aille dans le même sens.

Bref, le retour à l’équilibre budgétaire en cinq ans sera un exercice délicat, mais loin d’être impossible pour le Québec. Le hic, c’est qu’avec les 350 à 450 milliards en déficits que fera le fédéral, les provinces risquent d’écoper, d’une manière ou d’une autre, comme les contribuables d’ailleurs.

Pour lire les études :

> Lisez l’étude Examen des dépenses fiscales du Québec dans le contexte post-pandémie

> Lisez l’étude L’enjeu du retour à l’équilibre des finances publiques du Québec