Sur les bancs d’école, Fruit d’Or serait l’exemple de rêve des tendances du secteur manufacturier québécois. L’entreprise de Plessisville est numéro un au monde pour la transformation de canneberges biologiques, dans le domaine manufacturier québécois qui connaît la plus grande croissance, celui de l’alimentation. Elle consacre 80 % de sa production à l’exportation et mise résolument sur l’automatisation.

Et au lendemain de la sortie du premier ministre, François Legault, sur le « Fabriqué au Québec », l’entreprise de 420 employés a annoncé mercredi dernier un investissement de 17,5 millions pour agrandir son usine et investir dans un nouveau procédé de production de canneberges séchées entières et sans sucre.

« C’est une nouvelle tendance, précise Martin Le Moine, fondateur et propriétaire de Fruit d’Or. Malgré la pandémie, la demande de petits fruits n’a pas baissé, elle a même augmenté, on a été assez chanceux. »

PHOTO FOURNIE PAR FRUIT D’OR

Martin Le Moine, fondateur et propriétaire de Fruit d’Or

Il constate cependant en ce moment un ralentissement, conséquence selon lui du fait que de nombreuses écoles sont demeurées fermées, notamment aux États-Unis et en Europe, ses deux principaux marchés d’exportation. « Et peut-être aussi que les garde-manger sont pleins… », avance le président.

Automatisation et dollar

Comment Fruit d’Or, avec ses cinq usines au Québec, arrive en 2020 à concurrencer des entreprises établies dans des pays où la main-d’œuvre est bien moins coûteuse ? C’est d’abord une question de gros volume, répond le président, puisqu’on traite près de 45 000 tonnes de canneberges biologiques chaque année, soit 70 % de la production mondiale. Avec l’automatisation, on recourt à peu d’employés, ce qui permet de garder des coûts concurrentiels. Le fait que la matière première, les petits fruits, vienne à 90 % des producteurs de la région constitue évidemment un avantage de taille.

Mais M. Le Moine ne s’attribue pas tout le mérite de cette réussite, qui repose également sur des facteurs qu’il ne contrôle pas. « On ne pourrait pas compétitionner avec les Chinois, qui commencent à transformer de la canneberge, mais on pense qu’on va être moins touchés que les producteurs de pommes ou de fraises. »

L’autre facteur qui aide l’entreprise, c’est la valeur relativement faible du dollar canadien, qui garde ses prix compétitifs.

C’est sûr qu’avec un dollar au pair, avec nos salaires plus élevés, je ne pense pas que les manufacturiers canadiens puissent soutenir ça longtemps. On l’a vécu en 2008, ç’a été très difficile.

Martin Le Moine, fondateur et propriétaire de Fruit d’Or

Le défi de l’IA

Alors que l’intelligence artificielle (IA) et l’industrie 4.0 sont des mots à la mode, apprêtés à toutes les sauces, Fruit d’Or est également un bel exemple des difficultés d’application de ces concepts sur le terrain. En 2018, La Presse avait visité les installations de Plessisville où on s’apprêtait incessamment à confier une partie des activités à une intelligence artificielle.

Deux ans plus tard, on n’a toujours pas « appuyé sur le bouton ». « On est encore à l’étape où on accumule beaucoup de données, on les interprète et on donne de petits mandats à l’intelligence artificielle, explique M. Le Moine. On a encore beaucoup de choses à automatiser, mais avant d’aller là-dedans, ça prend beaucoup de données. »

Et que pense-t-il du projet du gouvernement Legault de favoriser l’industrie québécoise ? L’outil idéal, analyse-t-il, serait de faciliter la levée de capitaux pour l’investissement. « Il y a moins de crédits d’impôt à l’investissement, note-t-il. Chaque fois qu’un manufacturier fait le choix d’investir 4 ou 5 millions, habituellement, il va faire le bon choix et aller vers ce qui va mieux le positionner. Mais les gens sont frileux à investir ; c’est une vision à long terme qui ne rapporte pas dans l’immédiat. »