(Washington) Le chômage aux États-Unis a diminué bien plus que prévu en août, réjouissant Donald Trump à l’approche des élections, son vice-président y voyant même « le retour de l’Amérique ». Mais ces bons chiffres cachent beaucoup d’emplois précaires et le spectre du chômage de longue durée.

Le taux de chômage est tombé à 8,4 % en août, contre 10,2 % en juillet, repassant sous la barre symbolique des 10 % pour la première fois depuis le début de la pandémie.

« Super chiffres de l’emploi ! 1,37 million d’emplois créés en août », a réagi le président républicain sur Twitter. « Le taux de chômage tombe à 8,4 % (Ouah, tellement mieux qu’attendu !). Repassé sous les 10 % bien plus vite et plus fort que prévu », a-t-il lancé.

« C’est un grand jour pour l’Amérique », a renchéri son vice-président Mike Pence sur la chaîne CNBC, assurant que « le retour de l’Amérique est lancé ».

Il s’agit de l’avant-dernier rapport sur l’emploi avant les élections de novembre.

Le président de la Banque centrale américaine (Fed) Jerome Powell, a qualifié vendredi de « bon » ce rapport sur l’emploi, dans une interview à la radio NPR.

Selon lui, le suivi des règles de distanciation sociale et le port du masque sont essentiels pour contrôler le virus et retrouver le plein emploi : « il y a d’énormes gains économiques à réaliser dans tout le pays si les gens portent des masques et gardant leurs distances ».

Le taux de chômage a connu une hausse inédite sous l’effet des mesures de confinement, passant de 3,5 % en février à 14,2 % en avril.

« Marché du travail en crise »

« Le marché du travail reste en crise. Nous avons perdu tant d’emplois en mars et en avril qu’il manque encore 11,5 millions d’emplois par rapport au niveau de février », a twitté Heidi Shierholz, de l’Economic policy institute, un centre de réflexion progressiste, et ancienne cheffe économiste du département du Travail sous Barack Obama.

Les créations d’emplois ont ralenti par rapport à juin et juillet, et il va falloir du temps pour reconstruire les 20,5 millions d’emplois détruits pendant le seul mois d’avril.

Et 534 000 personnes qui étaient au chômage temporaire sont désormais au chômage permanent, leur employeur n’étant pas en mesure de les réembaucher.

De plus, nombre d’emplois recréés le mois dernier restent précaires, une caractéristique du marché de l’emploi américain exacerbée par la crise.

Ainsi, les nouvelles embauches sont pour beaucoup temporaires, comme celles concernant le recensement de la population. Quant au temps partiel subi, il a certes diminué par rapport à juillet, mais ils sont encore 3,3 millions de plus qu’en février à ne pas être en mesure de travailler à temps plein.

Le commerce de détail, les services professionnels et aux entreprises, les loisirs et l’hôtellerie, les services d’éducation et de santé, ont également beaucoup embauché.

Ecoles fermées

Le chômage de longue durée, qui rend le retour au travail plus difficile, plane désormais sur le pays.

Et surtout, alors que la rentrée scolaire se fait virtuellement pour beaucoup d’écoliers américains, de nombreuses femmes pourraient pâtir de cette situation, forcées de quitter le marché du travail pour s’occuper des enfants, dont la salle de classe est désormais la maison.

« Il est probable que le manque d’écoles ouvertes et de garde d’enfants constitue un sérieux obstacle à la participation des femmes à la population active », relève Jay Shambaugh, économiste et ancien membre de l’équipe de Barack Obama à la Maison-Blanche.

En se retirant du marché du travail, elles pourraient, paradoxalement, faire artificiellement baisser le taux de chômage.

La reprise économique est également menacée par l’échec des négociations entre la Maison-Blanche et les démocrates du Congrès sur un nouveau plan d’aide aux ménages et aux entreprises.

« Ces programmes sont vitaux, nous voulons qu’ils continuent », a pourtant assuré Mike Pence.

Des millions d’Américains sans emploi, ou dont les revenus ont chuté, ont ainsi perdu début août une aide supplémentaire de 600 dollars par semaine. Elle avait pourtant largement permis à l’économie américaine de redémarrer, en stimulant son moteur principal : la consommation.

Donald Trump a signé un décret pour la remplacer temporairement, à hauteur de 400 dollars par semaine. Les États doivent mettre la main à la poche, ce que certains ont refusé, empêchant leurs habitants d’en bénéficier.

« Avec un travailleur licencié sur deux qui est toujours au chômage et le Congrès qui est incapable d’adopter une aide budgétaire urgente, la croissance de l’emploi plus lente et plus volatile représente un risque important pour l’économie », a souligné Lydia Boussour, analyste pour Oxford Economics.