L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a taillé en pièces les arguments invoqués par les États-Unis pour imposer des droits sur le bois du Québec, mais il s’agit d’une victoire encore toute théorique tant qu’elle ne sera pas reconnue par les Américains.

La première réaction du représentant au Commerce des États-Unis laisse planer un doute sur une résolution prochaine de ce long conflit. « Ce rapport confirme ce que les États-Unis disent depuis des années : le système de règlement des différends de l’OMC est utilisé pour protéger des pratiques non marchandes et nuire aux intérêts américains », a écrit Robert Lighthizer dans un communiqué.

Il a déploré une décision qui empêche son administration de prendre des mesures « légitimes en réponse aux subventions généralisées du Canada pour son industrie du bois d’œuvre ».

Au Québec, où le régime forestier a été modifié en 2017 pour répondre aux préoccupations des Américains et tenter de mettre fin définitivement aux conflits sur le bois d’œuvre, la décision de l’OMC est accueillie comme une victoire, mais personne ne se fait d’illusion.

« On accueille favorablement la décision et on verra la suite des choses », a dit Louis Bouchard, porte-parole de Produits forestiers Résolu.

800 millions

Les entreprises québécoises ont été forcées de payer 800 millions $ US en droits compensatoires depuis le début de ce cinquième épisode de la guerre canado-américaine du bois d’œuvre, dont 200 $ US millions pour Résolu seulement.

« On ne comprend pas pourquoi on est rendus là », a affirmé de son côté le président du Conseil de l’industrie forestière du Québec, Jean-François Samray.

Le système québécois d’enchères a été conçu spécialement pour répondre aux arguments des Américains, rappelle-t-il. « Au moins 15 fois dans sa décision, l’OMC dit que les États-Unis n’ont rien pour prouver leurs prétentions. »

Selon le porte-parole de l’industrie, « le gouvernement du Canada doit se servir de la décision de l’OMC pour mettre de la pression sur les États-Unis afin d’obtenir une entente ».

À Ottawa, la réaction est venue de la ministre de la Petite Entreprise, de la Promotion des exportations et du Commerce international, Mary Ng.

Le Canada s’attend à ce que les États-Unis se conforment à leurs obligations dans le cadre de l’OMC. Les droits américains sur le bois d’œuvre résineux canadien ne doivent pas être maintenus.

Mary Ng

L’industrie canadienne du bois d’œuvre a reçu récemment un coup de main inattendu des constructeurs de maisons des États-Unis, qui ont réclamé l’élimination des droits sur le bois d’œuvre canadien afin d’encourager la relance de l’économie américaine.

Le prix du bois d’œuvre est actuellement à un niveau record, ce qui fait craindre un impact du côté de la construction domiciliaire.

Du côté du CIFQ, on espère que cette conjoncture ajoutera de la pression sur les autorités américaines pour régler la question du bois d’œuvre.

La suite des choses dépend d’Ottawa, mais le gouvernement du Québec entend s’en mêler, a indiqué lundi le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon.

« On a un pouvoir de négociation à mon avis qui est accru, a-t-il dit. C’est un dossier fédéral de toute évidence, mais la Colombie-Britannique et le Québec sont importants, et l’Ontario aussi. Nous sommes à la table. On a une position d’influence importante. »

Depuis 2016, Québec a retenu les services de Raymond Chrétien, ancien ambassadeur à Washington, pour l’aider à défendre son industrie du bois d’œuvre, qui emploie 60 000 personnes.

— Avec Joël-Denis Bellavance et Richard Dufour, La Presse

La guerre de 30 ans

Le différend actuel entre le Canada et les États-Unis sur le bois d’œuvre est le cinquième épisode d’un conflit qui dure depuis le début des années 80.

2016 : la U.S. Lumber Coalition dépose une plainte auprès des autorités américaines pour concurrence déloyale et réclame l’imposition de droits compensatoires et antidumping.

2017 : des négociations se déroulent entre la ministre des Affaires étrangères du Canada et le secrétaire au Commerce des États-Unis, sans résultat. En décembre, des droits de 20,23 % sont imposés sur le bois de résineux en provenance du Canada.

2018 : le Canada conteste ces droits en vertu du chapitre 19 de l’Accord de libre-échange nord-américain et devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

2020 : le rapport définitif du groupe spécial de l’OMC affirme que le département du Commerce des Étast-Unis n’a pas agi de façon objective et impartiale lors de son enquête et appuie les arguments du Canada et du Québec.