Depuis le début de la pandémie, les chalets ont le vent dans les voiles. Les prix ont explosé dans les zones rurales. Au lieu de voyager à l’étranger, certains acheteurs reluquent un chalet pour leurs vacances. Grâce à l’essor du télétravail, d’autres veulent déguerpir à la campagne pour de bon.

Sébastien St-Onge est revenu le 14 mars de Thaïlande avec sa conjointe et leurs deux garçons de 5 et 8 ans. C’était le lendemain du début du Grand Confinement.

Amateurs de voyages en famille, les deux professionnels ont revu leurs plans de vacances pour les prochaines années. « Avec la COVID-19, on a changé notre focus », raconte le Montréalais.

Le couple s’est mis à la recherche d’un chalet. « On voulait donner à nos enfants cette vie-là, leur permettre d’aller dans la nature, de développer des souvenirs dans les Laurentides », explique M. St-Onge.

La famille est en quête d’un chalet de deux ou trois chambres à coucher dans la région de Saint-Faustin–Lac-Carré, près des centres de ski, des sentiers de raquettes, idéalement avec accès à un lac et un terrain assez grand pour ne pas voir les voisins. Prix cible : de 200 000 à 300 000 $.

« La perle rare est difficile à trouver en ce moment. Les prix sont élevés. On trouve ça cher pour ce que c’est », avoue M. St-Onge qui a visité une bonne dizaine de résidences.

Le couple a même fait une offre sur une maison qui répondait à tous ses critères. Mais l’inspection a révélé des problèmes de moisissures graves.

Un cauchemar financier ? Non merci !

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La COVID-19 a fait exploser le prix des résidences de villégiature.

Depuis des années, c’est Montréal qui tire tout le monde vers le haut. Actuellement, c’est l’inverse. On a l’impression que les gens fuient Montréal pour aller chercher un petit coin de paradis ailleurs.

Dominic St-Pierre, vice-président et directeur général, région du Québec, chez Royal LePage

Dans les Laurentides, l’Estrie et Lanaudière, le nombre de ventes de résidences au bord de l’eau a grimpé de 16 % depuis trois mois (avril, mai et juin) même si le marché a été paralysé durant plusieurs semaines.

Le prix médian de ces résidences riveraines a augmenté de 7 %, pour atteindre 289 500 $, selon les calculs de Joanie Fontaine, économiste principale chez JLR. Remarquez que cela englobe autant des chalets d’à peine 100 000 $ au bord d’une petite rivière que des résidences de plusieurs millions autour de lacs prisés.

Dans certaines agglomérations, c’est la folie, si je me fie aux données du deuxième trimestre diffusées jeudi par l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ).

Par exemple, à Sainte-Agathe-des-Monts, les ventes de maisons unifamiliales ont bondi de 35 %. Comme les transactions ont été concentrées dans les maisons plus haut de gamme, le prix médian a explosé de 49 %. « C’est très impressionnant ! », s’exclame Charles Brant. « Mais il faut prendre ce chiffre avec des pincettes », enchaîne le directeur de l’analyse du marché de l’APCIQ.

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Moins de maisons à vendre. Plus d’acheteurs, surtout en provenance de la ville. Les conditions de marché se sont resserrées très rapidement dans plusieurs zones de villégiature où le marché est maintenant à l’avantage des vendeurs.

« En étant conservateur, je dirais qu’il y a des offres d’achat multiples dans la moitié des transactions », avance Jean-François Bérubé, courtier propriétaire de Royal LePage Évolution, en Estrie.

Même son de cloche de la part d’Anouk Vidal, courtière immobilière qui couvre la région des Laurentides pour l’enseigne RE/MAX Bonjour. « On voit de plus en plus d’offres multiples, ce qu’on n’avait pas vu beaucoup dans les dernières années », constate-t-elle.

Quatre fois, un couple de ses clients a offert davantage que le prix demandé. Quatre fois, leur offre a été surpassée par d’autres acheteurs qui offraient encore plus.

À l’approche de la retraite, le couple avait vendu sa maison dans l’est de Montréal pour s’établir dans la région de Saint-Hippolyte. « Ils avaient toujours eu ce projet-là. Mais la COVID a précipité leur décision », raconte Mme Vidal.

Finalement, les clients ont augmenté leur budget. Leur cinquième offre a été la bonne. Pour 377 000 $, le couple a mis la main sur une résidence unifamiliale sur un grand terrain boisé, dotée d’un garage séparé pour y aménager un atelier.

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Tous les experts tracent un lien direct entre la pandémie et l’effervescence de l’immobilier à la campagne. La demande soudaine vient de clients du 450 et du 514, des gens qui souhaitent quitter Montréal pour s’installer dans des régions moins densifiées.

Certains cherchent un chalet, car ils réalisent qu’il sera plus difficile de voyager à l’étranger. D’autres veulent carrément décamper des centres urbains maintenant que leur employeur accepte le télétravail.

« Des propriétaires qui ont fait une plus-value importante sur leur maison à Montréal peuvent cristalliser leur gain en capital et “upgrader” en s’achetant une maison à l’extérieur, dans un marché qui coûte beaucoup moins cher », explique M. Brant.

C’est particulièrement vrai pour les gens qui vivent en copropriété. Coincés dans un espace limité, ils ont peut-être trouvé le télétravail inconfortable durant le confinement. En vendant leur condo de 400 000 $, ils auront du mal à acheter une maison unifamiliale dans l’île, mais ils pourront en trouver une à leur goût à la campagne.

Leur chalet sera leur résidence principale. Et vice versa. Cela change la donne par rapport aux autres récessions où les chalets, considérés comme des biens non essentiels, étaient généralement plus sujets à une baisse de prix.

Les prochains mois nous diront s’il s’agit d’un phénomène passager ou d’une nouvelle tendance lourde.