Les gouvernements ont-ils bien fait d’imposer à la société un confinement presque total ? Et devraient-ils faire de même en cas de deuxième vague de COVID-19, compte tenu des impacts socio-économiques ?

Ces questions ont soulevé des débats un peu partout, et elles méritent d’être posées, compte tenu des coûts énormes d’un confinement généralisé sur l’économie, les finances publiques et le fonctionnement de la société.

Pour y répondre, le service économique de la Banque Nationale a fait une étude poussée qui permet d’y voir plus clair. Il a comparé l’impact du confinement sur la propagation du virus dans 30 pays, à l’aide d’une analyse de régression économétrique.

Son constat : le confinement n’est pas le seul facteur qui explique les écarts dans le nombre de décès des pays et, conséquemment, un nouveau confinement généralisé est à proscrire lors d’une deuxième vague.

PHOTO ALAIN JOCARD, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Selon la Banque Nationale, le confinement n’est pas le seul facteur qui explique les écarts dans le nombre de décès des pays et, conséquemment, un nouveau confinement généralisé est à proscrire lors d’une deuxième vague.

Voyons les détails. Essentiellement, quatre variables expliquent la différence entre le nombre de décès par million d’habitants dans les divers pays, ont constaté les auteurs Matthieu Arseneau et Alexandra Ducharme. Le degré de confinement (1) a joué un rôle important, mais aussi le nombre relatif de lits d’hôpital, l’importance du tourisme, la proportion des 65 ans et plus qui vivent dans des CHSLD, de même que le niveau de vie des pays (PIB par habitant).

D’abord, les auteurs ont quantifié un élément qui est reconnu : le confinement devait être imposé le plus tôt possible pour avoir le maximum d’impact. « Si le Canada avait tardé à imposer des mesures de confinement comme l’Espagne, ce sont 7500 décès de plus qui seraient possiblement survenus. Au contraire, si le Canada s’était empressé d’imposer des mesures de confinement, comme en Nouvelle-Zélande, 5000 vies auraient peut-être pu être épargnées », écrivent les auteurs.

À ce jour, rappelons que le Canada a enregistré 8693 décès, selon les déclarations des autorités, dont 5577 sont survenus au Québec (en date du 6 juillet).

Le confinement n’est pas le seul facteur qui a joué un rôle dans le nombre de décès. De fait, le degré de confinement explique 31 % des différences de décès entre les 30 pays. Les autres facteurs, pris globalement, ont donc un impact plus grand que le confinement.

Ainsi, le nombre plus ou moins important de touristes explique 18,5 % des différences, le niveau de vie, 17,3 % et le nombre de lits d’hôpital comme le nombre d’aînés en CHSLD, chacun 16,5 % (2).

Dans ce contexte, il faut conclure que le degré de confinement n’explique pas tout. Et que compte tenu de ses impacts énormes, un confinement généralisé ne doit pas être envisagé lors d’une éventuelle deuxième vague, dit Stéfane Marion, économiste en chef de la Banque Nationale.

L’étude rappelle que pour l’année 2020, en moyenne, les prévisions de croissance du PIB des pays ont été révisées à la baisse de 9,4 points de pourcentage par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), passant de + 1,7 % à - 7,7 %. Plus le confinement a été imposant dans un pays, plus la récession est importante. Et des dommages seront causés à long terme.

Aujourd’hui, on sait que ce sont les personnes âgées qui sont les principales victimes de la COVID-19 (81 % des décès sont chez les 65 ans et plus), ce qui n’était pas le cas de la grippe espagnole, en 1918, qui frappait bien davantage les gens de 45 ans et moins (87 % des décès).

« Un confinement à la dure de l’économie et du marché du travail n’est pas souhaitable dans le contexte où la mortalité touche essentiellement les personnes de 65 ans et plus, dont la plupart ne travaillent pas », dit M. Marion.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Stéfane Marion, économiste en chef de la Banque Nationale

L’économiste propose plutôt un confinement chirurgical et des mesures gouvernementales d’aide spécifique à certains secteurs, plutôt que généralisées. Par exemple, il n’est pas souhaitable de venir en aide aux travailleurs de la construction, mais on peut le faire pour ceux du secteur des arts et spectacles et de la restauration, explique-t-il.

De plus, bien sûr, il juge que des ressources doivent être davantage canalisées vers la protection des personnes plus âgées, comme celles dans les CHSLD et les résidences pour aînés. « Ainsi, la population vulnérable pourra être protégée et les effets pervers du confinement seront évités », croient les auteurs.

Stéfane Marion rappelle que le taux d’emploi est de 52 à 53 % actuellement au Canada, contre plus de 60 % avant la COVID-19. Or, en bas de 55 %, « un État n’est pas en mesure d’honorer son contrat de sécurité sociale, car les contribuables ne sont pas assez nombreux pour le financer avec leurs impôts et leurs taxes », dit-il.

L’ampleur de la deuxième vague dépendra du respect des consignes, comme la distanciation physique de 2 mètres et le port du masque. À voir le relâchement des derniers jours, ce n’est pas si évident.

1. Le degré de confinement est mesuré par l’indice de mobilité de Google.

2. Pour les experts, précisons que le coefficient de détermination de cette régression (R carré) est de 0,91 (le maximum est 1), ce qui est très élevé et donc très bon.

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