Mon pif pour ce mini-budget ? Le Québec aura une grosse cagnotte pour éponger le déficit de la COVID-19, plus importante que prévu. À tel point qu’aucune compression budgétaire ne sera nécessaire avant deux ans. Voici pourquoi.

D’abord, il faut se rappeler une chose importante : le Québec s’est doté d’une Loi sur l’équilibre budgétaire qui lui permet de faire des déficits en cas de marasme économique, comme en ce moment, mais l’oblige aussi à équilibrer ses comptes dans les années suivantes.

La loi a toutefois ceci de particulier qu’elle encadre nos déficits comme nos surplus. Ainsi, tous les surplus de fin d’année financière sont comptabilisés dans une réserve, dans laquelle le gouvernement peut puiser pour éponger ses éventuels déficits sans être obligé de faire des compressions ou de hausser les impôts.

Et quelle est la hauteur de cette cagnotte ? 13,9 milliards.

Or voilà, mon pif me dit que la réserve sera supérieure à ces 13,9 milliards annoncés dans le budget de mars dernier. Le gouvernement avait alors prévu que sa réserve, au 31 mars 2020, passerait de 12 à 13,9 milliards, grâce au surplus estimé de 1,9 milliard de l’année.

Selon moi, ce surplus de 1,9 milliard a été sous-estimé. En effet, après les 11 premiers mois de l’exercice financier (d’avril 2019 à février 2020), le surplus de l’année se chiffrait à… 5,9 milliards. Ce surplus est semblable à celui de l’an dernier pour la même période.

L’an dernier, justement, ces milliards se sont transformés, pour 12 mois, en un surplus final de 4,8 milliards, bien davantage que 1,9 milliard. Cette somme de 4,8 milliards avait alors engraissé la cagnotte d’autant.

Cette année, le ministre Eric Girard calculait que les 5,9 milliards fondraient à 1,9 milliard, après 12 mois. Bien sûr, certaines dépenses additionnelles étaient prévues, mais mon pif me dit que le ministre a été exagérément pessimiste. Et que le surplus de 2019-2020 sera supérieur, faisant passer la cagnotte de 13,9 milliards à 15 milliards, possiblement.

Oui, mais la COVID-19 n’a-t-elle pas dégonflé les recettes du gouvernement et haussé les dépenses ? Tout à fait, sauf que le Grand Confinement a débuté seulement à la mi-mars, moment où les recettes et dépenses du gouvernement étaient déjà bien engagées pour l’exercice se terminant le 31 mars.

On aurait donc environ 15 milliards de réserve, me dit mon pif. Ça tombe bien, le gouvernement prévoit que le déficit oscillera entre 12 et 15 milliards au cours de la présente année 2020-2021. Bref, on aurait suffisamment de fonds pour combler le déficit de cette année et peut-être aussi une partie de celui de l’an prochain (2021-2022).

Si tel était le cas, le gouvernement ne serait pas tenu de présenter à l’Assemblée nationale un plan de redressement avant mars 2021. Le plan doit prévoir un retour à l’équilibre budgétaire sur cinq ans, selon la loi, ce qui serait avant mars 2026.

Néanmoins, la loi permet que l’effort financier de la première année n’excède pas un milliard de dollars, ce qui est relativement petit dans cet univers. Cette disposition reporte donc le gros des efforts à l’année 2022-2023, dans deux ans. Et qui sait, l’économie du Québec aura peut-être alors retrouvé son allant de l’avant-COVID-19, permettant au gouvernement d’empocher de juteuses recettes fiscales.

Oui, mais comment être sûr que le déficit de 12-15 milliards fonde l’an prochain, qu’ils ne s’accroissent pas ? Eh bien, voilà, une bonne partie des dépenses engendrées par le gouvernement du Québec pour la COVID-19 ne sont pas récurrentes. Si bien que l’éventuel plan de redressement n’exigera pas d’effacer 12-15 milliards de déficits permanents, mais beaucoup moins.

Oui, mais, Monsieur Vailles, la réserve de 13,9 milliards ou plus, où le gouvernement prend-il l’argent, au juste ? Bonne question.

À dire vrai, il ne s’agit pas d’une réelle cagnotte dans laquelle le gouvernement peut puiser. Les 13,9 milliards constituent plutôt une limite légale de déficits que peut s’autoriser le gouvernement avant de tout chambarder.

Dans les faits, un déficit de 12-15 milliards fera augmenter la dette d’autant, réserve comptable ou pas.

En revanche, nos déficits sont calculés après le versement d’importantes sommes au Fonds des générations, qui sert à réduire la dette, justement. Pour l’année en cours, le gouvernement versera 2,7 milliards au Fonds des générations.

Au bout du compte, on ne se contera pas d’histoires, la crise n’aura pas embelli les finances publiques du Québec. La dette augmentera assurément, alors qu’elle suivait une pente descendante ces dernières années.

Il reste que le ménage qui a été fait dans nos finances publiques permet d’envisager l’avenir avec une relative sérénité. À moins qu’il y ait une forte deuxième vague de coronavirus, bien sûr, qui exigerait qu’on ferme encore une partie de l’économie. Ou que mon pif sur ce mini-budget se trompe royalement.