(Ottawa) Les mesures mises en place en réponse à la pandémie de COVID-19 vont « sans aucun doute accroître l’endettement » une fois le choc économique passé, a indiqué lundi le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz.

Le gouverneur a notamment évoqué la baisse des taux d’intérêt, ce qui devrait normalement stimuler la croissance économique à court terme grâce à une augmentation des emprunts — mais ces emprunts feront grimper les niveaux d’endettement au sujet desquels la banque centrale a déjà lancé des avertissements.

Cela pourrait entraîner un ralentissement de la croissance économique et compliquer l’atteinte de l’objectif de la banque centrale consistant à maintenir l’inflation le plus près possible de sa cible de 2,0 %.

Sans compter que cela pourrait également augmenter le risque qu’un futur choc négatif ait un effet amplifié sur l’économie, a souligné M. Poloz.

Le gouverneur a ajouté que la banque développait de nouveaux outils pour évaluer ce compromis entre une croissance plus rapide aujourd’hui et une croissance plus lente plus tard.

M. Poloz a fait ces commentaires dans le cadre d’un discours qu’il prononçait lundi après-midi, dans lequel il revient sur son mandat à la tête de la Banque du Canada, qui prendra officiellement fin la semaine prochaine, et s’attarde sur le climat économique auquel son successeur, Tiff Macklem, sera confronté.

« Certaines des vulnérabilités financières déjà présentes dans l’économie se seront aggravées et de nouvelles feront sans doute surface », a affirmé M. Poloz dans son discours, dont le texte a été publié par la banque lundi après-midi.

« Nous sommes véritablement devant l’inconnu. »

Ce n’est que peu de temps après que M. Poloz a succédé à Mark Carney, dont le premier sous-gouverneur était M. Macklem, que le taux directeur de la banque est tombé à 0,5 % en réponse au choc des prix du pétrole, en 2015.

Le taux a recommencé à augmenter deux ans plus tard, pour finalement atteindre 1,75 %.

Puis la pandémie a durement frappé le Canada en mars, venant accélérer la baisse des prix du pétrole.

Au cours du mois, la banque centrale a abaissé son taux directeur à 0,25 % — le niveau que M. Poloz considère être le plus faible possible pour ce taux — et a entamé une vague d’achats obligataires sans précédent pour aider à atténuer les contraintes sur les marchés financiers et permettre aux gouvernements de financer des programmes de soutien massifs.

M. Poloz a expliqué que la préoccupation dominante de la banque était le risque que la déflation puisse émerger sans des actions aussi dynamiques, puis se combiner avec la dette existante pour alimenter une dépression économique.

« Les risques à la baisse étaient selon nous tellement élevés qu’aucun arbitrage pertinent ne pouvait être envisagé par les autorités monétaires », a affirmé M. Poloz dans le texte de son discours.

« C’était comme si la pandémie allait créer un cratère déflationniste géant au cœur de l’économie : il fallait mettre en place des mesures en apparence inflationnistes pour contrer cette calamité. »

Les choses semblent bien fonctionner, a-t-il observé.

Selon M. Poloz, la banque centrale devra fournir des « mesures de détente monétaire considérables » alors que l’économie commence à se reconstruire, bien que l’on ne connaisse pas leur ampleur et la durée de temps pendant laquelle elles seront nécessaires.

« Les mesures prises pour contrecarrer les effets de la pandémie vont sans aucun doute accroître l’endettement, en particulier la dette publique », a-t-il estimé.

« Ramener l’économie vers la croissance — une condition nécessaire à l’atteinte de notre cible d’inflation — est le meilleur moyen d’assurer le service de ces dettes à l’avenir. »